En pleine « réinvention », Jaguar retombera-t-il sur ses pattes ?
C'est confirmé, Jaguar ne s'est pas fait pirater ses réseaux sociaux. Après un clip... déconcertant, la marque a dévoilé les premiers détails du concept car annonçant sa renaissance.
« Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu m’importe : l’essentiel, c’est qu’on parle de moi », disait Léon Zitrone. De ce point de vue, on peut considérer que la renaissance de Jaguar commence sur les chapeaux de roues, la marque ayant réussi à faire hurler tout ce que la planète compte de passionnés avec un rebranding lunaire.
En cause, un logo générique où le mufle du félin rugissant cède la place à deux J tête-bêche, la typo électroménagère qui va avec (sur fond rouge vif plutôt que british racing green, tant qu’à faire), et surtout un clip qui restera dans les annales du marketing automobile. Durant 30 secondes d’hallucination, on peut y voir Mugatu et ses Teletubbi·e·s sortir d’un ascenseur pour venir tirer la tronche sur fond de désert martien repeint en rose, tandis que défilent des mantras aussi puissamment disruptifs que « cassez les codes » ou « vivez intensément ».
« Just do it » et « Think different » étaient déjà pris, alors on paraphrase le pauvre Sir William Lyons, fondateur de la marque en 1922, qui considérait qu’une Jaguar ne devait être « une copie de rien ».
Pas la moindre voiture à l’horizon, ce serait trop facile. Car « la transformation de Jaguar est définie par le Modernisme Exubérant, une philosophie créative qui capture tous les aspects du nouvel univers de la marque, nous dit-on. Cette philosophie s’exprime au travers de designs audacieux, d’une pensée originale et inattendue, construisant ainsi un caractère de marque qui polarise l’attention grâce à une créativité intrépide. » C’est cela, oui.
Vaste programme pour un blason dont l’image se résumait depuis toujours à un savant cocktail de classe britannique et de sportivité, avec un soupçon de badassitude. Il n’y en a plus trace sur le compte Instagram de la marque, qui a purement et simplement supprimé la totalité de ses anciennes publications. Adieu F-Type, XKR, XJ220, Type E, les élégantes XJ ou les monstrueux sport-protos du Mans : Jaguar « évolue ».
En quelques heures, la campagne Jaguar a suscité des dizaines de milliers de réactions incrédules, hilares et/ou furieuses sur les réseaux sociaux, attisées par des community managers taquins mettant un point d’honneur à répondre au premier degré. Elon Musk en personne est venu leur demander sur Twitter s’ils vendaient bien des voitures. Au moins, le résultat est là : même sous les quolibets, la vénérable marque anglaise, à l’abandon depuis des lustres, est revenue au centre de l’attention, à deux semaines de la présentation du concept car qui doit marquer sa renaissance le 2 décembre à la Miami Art Week.
D’ailleurs, depuis, les créateurs de contenus automobiles rivalisent de publications célébrant les grandes heures de la marque pour surfer sur cette vague de nostalgie. Et si, in fine, le buzz n’était pas si bad ? N’est-il pas plutôt rassurant pour la marque de voir que tant de gens s’indignent du traitement qui lui est infligé ? Si les précédents catastrophiques de Gillette ou Bud Light viennent à l’esprit, on songe aussi au cas d’école du New Coke, cette tentative de nouvelle recette de Coca Cola dans les années 1980 qui avait rappelé aux clients à quel point ils aimaient l’ancienne, au point de redynamiser la marque en perte de vitesse face à Pepsi… Mais nous sommes sans doute d’incorrigibles optimistes.
On ignore si tout cela a précipité l’effeuillage du « Design Vision Concept » dont Jaguar a dévoilé le lendemain un bout de la fesse gauche (en haut de cette page). Puis ce qui ressemble à un détail de l’aile avant où l’on retrouve (ouf !) le motif légendaire du Jaguar bondissant (ci-dessous). Difficile d’en déduire quoi que ce soit pour l’instant sinon qu’il ne semble pas y avoir de glace arrière, et que cela paraît bien anguleux par rapport à tout ce que la marque a pu sortir précédemment.
Ce concept débouchera en 2026 sur ce qui devrait être une rivale des Porsche Taycan, Audi e-tron GT et Lotus Emeya. Cette héritière électrique de la XJ aura fort à faire pour réconcilier Jaguar avec sa clientèle historique après cet épisode embarrassant, qui aura eu le mérite de rappeler l’immense capital sympathie dont bénéficie toujours la marque à travers le monde. En parlant de capital, ce sont surtout les investisseurs qu’il importera de rassurer à l’heure où tous les concurrents de Jaguar calment sérieusement le jeu quant à l’électrification de leur gamme, faute de demande.
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