Vers l’infini, et au-delà…


Publié le : 6 juillet 2022

Vous nous rejoignez dans une cabane perdue au milieu des bois, dans un endroit connu seulement des randonneurs perdus, des malfaiteurs en cavale et des amateurs de cartes IGN.

Bienvenue dans un autre monde. À l’extérieur, quatre des 4×4 les plus efficaces du moment. Le Land Rover Defender et le Mercedes Class G sont là pour représenter l’Europe (oublions le Brexit un moment, je crois qu’ils regrettent…) et pour l’Amérique, le Ford Bronco et le Jeep Wrangler.

Idéalement, on aurait pu les emmener grimper les flancs d’une carrière pour voir lequel tomberait en premier, mais ça manquait d’ambition. Et de véritable danger… C’est pour ça que nous nous retrouvons au milieu du pays de Galles, et plus exactement à l’entrée de la Strata Florida, une des pistes off-road les plus réputées du Royaume-Uni. Le genre d’endroit où les gens sont habillés en surplus de l’armée et où les Land Rover avancent crampon par crampon sur leurs pneus mud.

En attendant d’attaquer demain, nous passons notre dernière soirée à l’abri d’une nuit glaciale dans notre cabane douillette. Le poêle rugit et il ne nous reste plus qu’à décider qui conduit quoi. C’est pour ça qu’Ollie Marriage est venu armé… de chaussettes.

Ollie Marriage : Je sais, Noël est passé mais j’ai mis la clé d’une voiture dans chaque chaussette que j’ai accrochée. Allez-y, à vous de choisir.

Jack Rix : À l’odeur, je dirais que ces chaussettes n’ont pas été lavées depuis Noël 1987… Mais peu importe puisque j’ai le Defender ! Du coup, on fait nos valises et on rentre maintenant, messieurs ? *insérer un emoji au visage suffisant*

Rowan Horncastle : Euh… perso j’ai trouvé… un ongle de pied ! Non, je plaisante, j’ai le Bronco. C’est celui que je voulais, jusqu’à ce que je le voie dehors. Je suis désolé, mais j’ai l’impression d’avoir été piégé. Il a l’air beaucoup plus civilisé que les Bronco qui me font rêver sur le Web.

Ollie Kew : Personne ne touche à MA chaussette ! J’ai celui dont vous rêviez tous en secret, le Jeep Wrangler Rubicon 392 et son gros V8 6.4.

OM : Ce qui me laisse avec le Classe G. J’ai hâte de profiter d’un bon massage pendant la balade de demain. Mais pour le moment, je ne serais pas contre un bon lit. Où est-ce que je dors ?

RH : Euh… C’est pas que je l’ai mauvaise avec vos histoires de chaussettes, de destin, tousssaaa, mais… tu es le dernier arrivé et il n’y a plus de place dans cette cabane. La tienne est à un tout petit kilomètre plus au sud. Et avec toutes ces émotions, on a complètement oublié d’allumer le chauffage. S’cuse.

Le temps est aussi embrumé que nous le lendemain matin, mais nous sommes debout et prêts à partir… De lourds nuages ​​​​sombres s’amoncellent au-dessus de nos têtes et gouttent comme une serviette détrempée. Devant nous, quelques kilomètres de route avant d’attaquer les choses sérieuses.

JR : Nous débutons la journée façon locale : une tasse de thé et quelques gâteaux gallois qui tentent de m’étouffer. De son côté, le Defender ronronne sereinement. Brave bête. Ce nouveau Defender se sent enfin à l’aise sur le bitume et ce 90 est même plus agile que le 110. Et il n’a pas l’air trop surdimensionné sur ces routes étroites. Contrairement à nos amis américains, je suppose.

OK : Comment peut-il y avoir si peu de place pour les coudes dans un engin plus large qu’un village gallois ? La première impression que vous offre le Wrangler, c’est d’être assis sur les genoux de votre père pour faire semblant de conduire. Les pneus ballon de 35 pouces offrent un confort impressionnant sur les nids-de-poule, ce qui est bien le minimum vu le peu d’indices qu’ils me donnent sur la direction qu’ils prennent. Au moins, si cette eau devient plus profonde, j’imagine que je pourrai simplement flotter à la surface comme ces buggys islandais.

RH : Euh ! Quelqu’un pourrait-il appeler les services de la DDE locale ? Le pays de Galles semble avoir une fuite. Je suis à peu près sûr que les rivières sont censées couler sous les ponts, pas au-dessus. Le Bronco ressemble un peu à “Mon premier 4×4”, et comparés aux énôôôrmes crampons de vos pneus Falken Wildpeak, ces Bridgestone Duellers ont l’air un peu ridicules.

OM : Pas de panique, nous avons des câbles de remorquage. Et de toute façon, aucune inquiétude à bord du Mercedes – quel engin, ce G400d ! Et pendant ce temps, nos fougueux ‘Ricains sont si pressés d’aller jouer hors des sentiers battus qu’ils sautillent et louvoient sur un bitume pourtant bien lisse. Mais pourquoi font-ils ça alors que le G, lui, est impassible ? Ah tiens ! premier obstacle : le lit rocailleux d’un ruisseau. En traversant, le Wrangler tangue, titube et rugit, l’air inarrêtable. Mais tout de suite derrière, le Defender passe l’air de rien, comme s’il avait grimpé un trottoir. Aussi facile que ça en avait l’air, Jack ?

JR : Absolument pas, vous venez d’assister à la mise en pratique combinée d’années d’entraînement en franchissement extrême, d’un professionnalisme à toute épreuve et d’une acuité de pilotage hors normes. Ouais, bon, OK… j’ai juste tourné la molette sur “Auto” et c’est passé crème, tout seul. C’est tellement facile à utiliser. Et tellement confort. Nous ne sommes qu’au début de cette aventure mais avec mon snorkel et mes angles d’attaque et de chasse, je ne vois rien qui puisse m’arrêter mettre entre moi et l’arrivée. À part peut-être une crevaison ou une panne… de chips.

RH : Allez-y, passez devant, je vous regarde et j’en profite pour vérifier où se trouve notre joker, Simon Bond, le fan absolu de off-road de la rédac. Généralement, on peut le croiser en short et bottes de caoutchouc à n’importe quelle période de l’année. Il est en tête de notre cortège dans un Ford Ranger qui *note pour les pros* partage le même châssis en acier haute résistance entièrement caissonné que le Bronco. Mais pour le moment, je me cache derrière lui. Il m’intimide un peu avec son Raptor suréquipé face à mes pneus route, mes petites arches de roue et ma capote en toile détrempée. Finalement, ce Bronco semble un peu… délicat. Portes délicates. Toit délicat. Attitude délicate.

OM : Perso, je suis aussi un peu nerveux à propos du G mais pour de tout autres raisons. Il est super robuste, construit comme un abri de jardin en briques (normal, avec son design de parpaing. Arf arf arf…). Mais l’intérieur est très cossu avec tous ses écrans brillants, ses tons subtils et ses finitions léchées. Dans les autres, on a un peu plus l’impression de faire partie du paysage. Là, j’ai vraiment la sensation d’être la grande bourgeoisie qui traverse la cambrousse. Et en même temps… Au fait, bravo à celui qui a changé l’éclairage d’ambiance en violet. Cette petite touche night-club, j’adôôre !

OK : J’avoue, c’était moi. Et pour le coup, je ne serais pas contre une bonne dose de Classe G dans ma vie, là, tout de suite. Le Wrangler se prend pour un trophy truck, mais ce dont j’ai besoin, c’est de précision. Euh… c’est un peu étroit les gars, nan ? Et la pente abrupte devant moi est parsemée de souches d’arbres comme des obstacles antichars sur un champ de bataille. Se faufiler en Jeep ici, c’est un peu comme utiliser une moissonneuse-batteuse pour tondre votre jardin. Jusqu’ici, je n’ai pas eu besoin de faire autre chose que de respirer calmement mais… voilà le premier passage à gué un peu sérieux. C’est le moment d’engager la gamme courte. Wow ! le levier me valide le passage par une grosse ruade – pas de boutons ou de molette moderne comme vous dans ma Jeep, un bon vieux sélecteur mécanique. Il y a un crépitement et j’entends Bondy dans la radio : « Entre lentement Ollie, pour former une douce vague devant le capot. » Nan, mon pote. Je vais tester l’apport d’Hydro Guide qui prétend qu’il peut traiter 57 litres d’eau par minute.

JR : Pourquoi les Américains se sentent toujours obligés d’être si… show off ? Et pourquoi le Wrangler fume comme si quelqu’un faisait un barbec’ sous le capot ? Ça ne peut pas être bon. Mais c’est franchement marrant. C’est un peu comme s’il avait sa propre machine à fumée chaque fois qu’une vague passe sur le capot. Moi, je n’ai pas ce genre d’effets spéciaux et je n’en ai pas besoin, j’ai mon snorkel. Et plus on avance, plus les situations se compliquent, et plus le Defender se révèle être le cobaye de l’équipée, l’éclaireur pour évaluer comment les autres s’en sortiront. Et là, ça devient franchement plus compliqué. Nous sommes face à la traversée d’une rivière aussi large que sombre. Bondy enfonce sa sonde de profondeur brevetée à base de… restes de parapluie. Il s’enfonce jusqu’au coude. Avec son snorkel, le Defender pourrait peut-être y arriver, mais nous ne pouvons pas risquer les autres. Nous nous retrouvons donc à faire demi-tour sur une piste étroite – non sans rappeler l’une des (nombreuses) scènes mythiques d’Austin Powers – avant de rebrousser chemin.

RH : Ce n’est pas une défaite honteuse… Bon OK, si ! Mais il y a aussi de quoi se réjouir. Nous venions chercher l’aventure… Nous n’avons plus de réseau sur nos portables depuis hier après-midi. Bon, sinon, j’ai aussi les chaussettes trempées car les joints de porte du Bronco n’ont pas pu supporter le premier passage à gué.

OM : Débloquez vos différentiels, nous allons passer par un bout de bitume. La Strata Florida est en fait le chemin le plus direct et le plus rapide à travers cette partie du pays de Galles, donc l’attaquer par l’autre côté va nous valoir un gros détour. Ça me fera plus de temps pour me la raconter dans le Merco. En revanche, Rowan a l’air de se décomposer à vue d’œil. C’est dingue à quel point ce Bronco dépend de ses specs – tant visuellement que dynamiquement. La version Badlands Sasquatch que j’ai testée l’été dernier semblait inarrêtable mais je pense que celui-ci est sur le point d’abandonner. Et nous avec, du coup… Mais Bondy fait signe à l’avant. Il se trouve au pied d’une paroi rocheuse noire et lisse.

JR : Le Def’ est passé ! J’ai juste sélectionné le mode Rock Crawl du Terrain Response. J’ai même pu profiter de la caméra frontale et de son mode “capot transparent” pour voir ce qu’il y avait en dessous. Sans grande surprise, de la roche.

RH : Le Bronco a bien une gamme courte et un système de gestion électronique baptisé GOAT – qui veut dire chèvre… – pour Go Over All Type (of terrain). Mais pour être honnête, je suis étonné qu’il ait réussi à passer. C’était assez laborieux et, pour tout dire, un peu inquiétant : il sautillait, se balançait, vibrait pendant que l’électronique tentait de savoir quoi faire avec la puissance. Ce qui se traduisait souvent par “tout donner” ou “rien”. Je ne faisais pas le fier.

 

OM : La vue est sublime de ce côté. Un Bronco sur le flanc aurait pu tout gâcher. Une fois que vous étiez en haut, je savais que je n’aurais aucun problème avec le G. Ce qui est surprenant, c’est que même si j’ai moins de débattement ou de garde au sol, ça passe. Et il est si bien amorti qu’il semble se déplacer autour des obstacles sans vaciller.

OK : Moi, les obstacles, je les gère à grands coups de couple et de pneus à crampons. Ce croisement de pont où le Bronco ressemblait à un petit agneau effrayé ? La Jeep est passée l’air de rien, sans freiner. Je commence à comprendre pourquoi tous les Américains se sentent invincibles dès qu’ils sellent leurs Wrangler.

JR : Il commence à faire nuit et je ne sais pas trop où on va par là. Vous vous souvenez de la piste forestière que nous avons vue un peu plus tôt ?

OM : Ça doit bien aller quelque part, nan ? Je prends la tête. Raallyyy ! Ah non, impasse…

JR : Pff ! Ollie est censé être le meilleur pilote de rallye d’entre nous mais j’ai une arme secrète : mon téléphone vient de capter le signal et Google Maps m’indique le chemin du retour. La lumière s’estompe, Ollie est relégué à l’arrière, je suis en tête, victoire pour le Defender !

RH : Voilààà, ça, c’est mon genre de terrain. Une surface rapide et meuble avec un gros risque de perdre le contrôle. Le Bronco est bien meilleur ici. Sa direction claire grâce à la suspat’ avant indépendante me met en confiance.

OK : Et revoilà le bitume. Ce qui nous soulage un peu, nous avons un instant eu peur de nous retrouver bloqués dans la forêt pour la nuit.

Après une petite excursion vers la civilisation pour accrocher un peu de réseau et récupérer les prévisions météo pour le lendemain qui s’annonce bien plus clément, retour à notre camp de base. Le bois crépite dans le poêle pendant que nous échangeons nos impressions et, en parlant d’échange, le lendemain matin à la fraîche avant de repartir pour un tour de manège…

HR : Qui a envie de changer de monture ? Il faut que vous testiez ce Bronco. Surtout avec son toit en toile qui claque. À partir de 50 km/h, ça ressemble à une voile de parachute. Mais si le temps se découvre, nous pourrons peut-être l’enlever.

OM : Allez, je suis joueur, c’est bon, je le prends. Et puis, c’était plutôt facile jusqu’à présent, mais… on se sent un peu déconnecté de ces paysages sublimes dans le G. Là, au moins, je devrais mieux les apprécier. Oh là ! attendez. Ça patine de dingue et j’ai juste pris une petite épingle. Il y a des pentes à 25 % devant nous ! Ah ! pardon, j’étais en deux roues motrices. J’aurais peut-être dû vérifier ça.

OK : Amateur ! Mais le bitume est bien plus traître qu’un chemin de terre quand il est verglacé, n’est-ce pas ?

JR : Le G est encore plus facile à utiliser que le Defender, et ce diesel est vraiment bien plus approprié que le bloc essence du G63 AMG. J’adore sa simplicité. On se met simplement en D, puis il y a trois gros boutons pour verrouiller vos diffs lorsque le terrain se complique. Dans le Defender, le Terrain Response est géré sur le même écran que celui de la clim. Mais c’est toujours mieux que le Wrangler où on a l’impression qu’ils ont collé de mystérieux boutons partout où ils pouvaient trouver de la place sur la console.

OK : Parcourir le même chemin qu’hier est intéressant. Le Defender est beaucoup plus facile à placer que le Jeep dont le vaste capot cache les larges passages de roue. Et je suis beaucoup plus confiant avec ce snorkel à l’ancienne.

RH : Wow ! ce Defender est impressionnant. Empattement court, porte-à-faux courts, diesel 6 cylindres lisse, look irréprochable – petit coffre, ceci dit – et incroyablement efficace tout en restant humble. C’est l’invité parfait, façon gendre idéal, de cette balade off-road. À côté de lui, le Wrangler ressemble au cousin un peu trop brut de décoffrage qui propose à tous les invités de faire un bière-pong en parlant trop fort pour ne pas s’être entraîné tout seul avant.

OM : Eh bien, le Defender a transformé le fameux passage du Bomb Hole (le trou de la bombe) et sa sortie à 45° en promenade de santé. Le Wrangler a trouvé ça amusant aussi, mais comme nous n’avons pas envie de nous retrouver plantés ici, nous ne testons pas le Bomb Hole avec le Bronco. Le G ne semble pas avoir les angles et la garde au sol nécessaires mais je suis décidé de tenter le coup. Bondy me guide pour me placer au millimètre, le Merco se lance et ça passe. Vous avez vu ça, les gars ?

RH : C’est une course d’obstacles au milieu de nulle part. N’importe qui dans ces conditions se sent un poil vulnérable dans des environnements comme celui-ci, vous dépendez de votre voiture qui devient votre ligne de vie. Et le Defender est celui dans lequel j’ai confiance pour m’emmener n’importe où. C’est pour ça qu’il a été conçu. Dommage que 95 % d’entre eux servent à déposer les gosses à l’école.

OM : Plus que tout, le Land Rover transforme les situations compliquées en simples aléas. Il rend les choses trop faciles. C’est peut-être le meilleur compliment qu’on puisse faire à un engin dont le terrain de jeu est tout ce qui est autour du bitume. À côté de ça, je viens d’essayer le Wrangler. Il est sûr de lui et très efficace, ça ne fait aucun doute ! Mais il n’a ni le panache ni l’insolente facilité du Defender. C’est un V8 cogneur qui rentre dans les obstacles tout en puissance. La sonorité est géniale mais l’expérience fait un peu datée et franchement déconnectée. Et n’espérez pas le trouver en France sauf à passer par un importateur comme American Car City.

JR : En effet, le Wrangler et le Bronco sont des importations. Nous ne pouvions donc pas faire la fine bouche sur les spécifications mais, du coup, les deux sont montés sur le ring un bras attaché dans le dos. Malgré ses perfs hallucinantes pour son gabarit – le 0 à 100 km/h tombe en 4,5 s –, le Wrangler est difficile à recommander dans cette config au tarif indécent une fois les taxes et malus payés. Et le Bronco n’a pas tous les éléments dont il aurait eu besoin pour briller ici. Quant au Classe G, c’est essentiellement un Terminator de luxe avec un éclairage intérieur de club de strip-tease… Coûteux et un peu trop flashy pour moi. C’est donc un autre vote pour le Defender.

RH : Le soleil est presque couché, ces deux jours ont été éprouvants, nous prenons la route du retour, pleins du sentiment du devoir accompli (rhôôô la phrase bidon !).

Épilogue : 45 minutes plus tard, nous nous retrouvons sur un chemin à sens unique totalement verglacé, à regarder une camionnette en contrebas bloquée en travers de la voie. Impossible de descendre sans terminer dans la camionnette, aucun réseau et nous ne sommes qu’à 10 minutes de notre logement si on avait pu passer… Une heure et demie en faisant le grand tour. Aucun doute, le chemin le plus court est toujours la ligne droite et, en voiture, la ligne droite s’appelle le off-road.