Porsche 718 Cayman GT4 RS

Vous vous êtes déjà demandé ce qui se passerait si la division GT de chez Porsche se lâchait vraiment ?

Jack Rix • Niels de Geyer
Publié le : 15 septembre 2022

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Redoutable sur circuit, étonnamment utilisable sur route, exception-nellement musical partout : c’est aussi bien que ça en a l’air.

Enfin, j’ai le droit de révéler ce qui s’est vraiment passé quand nous sommes allés faire des photos du Cayman GT4 RS dans un studio près de Stuttgart, en octobre dernier. Andreas Preuninger, patron du département GT, se pointe au volant d’un prototype du GT4 RS en tenue camouflage, nous détaille sa dernière création puis s’apprête à repartir. Je lui suggère poliment que m’emmener faire un petit tour dans “son” GT4 RS tout de noir vêtu serait la meilleure façon d’illustrer ses propos. Il n’est pas contre. Le gars des relations presse commence à transpirer à grosses gouttes, mais finit par dire oui à condition que ça reste en off.

Nous partons donc pour une visite guidée… enthousiaste des routes du coin. Lorsque je reviens au studio, je suis euphorique. Mes esgourdes viennent de se régaler d’une des bandes-son les plus pures et les plus hargneuses qu’il m’ait été donné d’entendre. Je partage mon extase avec qui veut bien l’écouter (ou acquiescer poliment, en tout cas). Je prends aussi une résolution : si un collègue répond à ma place à l’invitation pour le premier essai, je le trucide.

Et me voici, à une heure au nord de Lisbonne, sur une somptueuse route de crête. Il n’y a pas eu mort d’homme. La vue est incroyable, le son est encore meilleur.

Impossible d’attaquer un essai de cette voiture par autre chose que l’expérience acoustique. Sensoriellement, c’est ce qui domine tout le reste. Emmener le GT4 dans les tours, c’est se faire remplir les oreilles de miel crémeux… puis de tout un essaim d’abeilles. C’est grandiose.

Et à chaque envolée vers les 9000 tr/min, c’est bien plus que du son. Ce sont aussi des palpitations, des vibrations, des montées d’adrénaline. Un borborygme sourd qui s’éclaircit à mi-régime, avant de gagner en velouté puis de se muer en hurlement d’outre-tombe entre 7000 et 8000 tr/min. Jusqu’à l’orgasme auditif lors des 1000 derniers tours, qui vous laisse les muscles faciaux endoloris mais le cœur incroyablement léger. C’est de l’héroïne pour vos tympans, et c’est à volonté.

Ça, c’est quand on va chercher la zone rouge. Mais le reste du temps, on a un instrument de musique d’une richesse infinie, qui se joue avec le pied droit sur l’accélérateur et le bout des doigts sur les palettes. En temps normal, je me gausse des puristes qui font le choix de se passer de système d’infodivertissement (une option gratuite) sous prétexte de gagner quelques kilos. Ici, je comprendrais. Qui a besoin d’un autoradio quand il commande au tonnerre ?

Cerise sur le gâteau, tout le plaisir est pour vous. Sur beaucoup de voitures de sport modernes, le gros de la bande-son vient de l’échappement. Ça n’empêche pas forcément de l’apprécier depuis le cockpit, mais c’est rageant de savoir que les badauds en profitent plus que vous. Pas là : ce que vous entendez, c’est avant tout le bruit de l’admission via les prises d’air en carbone qui ont remplacé les glaces de custode. Et pendant que vous et votre passager avez droit à un concert de metal symphonique déchaîné, le GT4 RS ne braille pas plus fort à l’extérieur que le GT4 tout court.

Si vous vous êtes déjà demandé ce qui se passerait si Porsche fourrait le fabuleux flat 6 4 l atmosphérique de la dernière 911 GT3 en position centrale sur son petit frère le Cayman, cette voiture est la réponse. C’est la division GT qui dit chiche et se retrousse les manches pour sortir la voiture dont on a tous rêvé, en pensant que jamais ils n’oseraient. Alors oui, il s’agit du Cayman le plus performant et le plus radical jamais produit. Mais avec une 911 GT3 qui vit déjà sa meilleure vie et une GT3 RS qui va remettre les pendules à l’heure à la fin de l’année, on peut s’interroger sur la place du Cayman GT4 dans la famille. « Il était plus que temps de se faire plaisir sur la plate-forme de la 718, explique simplement Andreas Preuninger. Cette voiture est un concert live sur quatre roues, une joie à conduire, et ce projet a été tellement amusant à mener… C’est quelque chose qui vient du cœur, et que nous voulions faire depuis longtemps. » La question demeure : les deux voitures ne risquent-elles pas de se tirer dans les pattes ?

À 144 485 euros, le Cayman GT4 RS coûte à peine 35 000 euros de moins que la GT3. Il pèse le même poids à 20 kg près, annonce le même 0 à 100 km/h, est à peine 6 s derrière sur le Nürburgring et offre le même nombre de baquets avec un arceau derrière. Mais Preuninger insiste : « Ce sont deux machines bien différentes. Nous veillerons toujours à donner à la GT3 tout ce qu’il faut pour qu’elle reste en pole position, comme la suspension avant à double triangulation ou les roues arrière directrices. Sur le GT4, nous n’avons pas poussé aussi loin le travail sur l’aéro, ni cherché à grappiller le dernier dixième sur circuit. Nous avons surtout essayé de trouver le parfait compromis entre la conduite sur route et sur circuit. »

On dispose ici de 500 ch tout rond, soit 80 de plus que sur un GT4 standard, mais 10 de moins que sur une GT3, notamment parce que l’échappement doit faire des détours à travers la suspension arrière. Le couple gagne quant à lui 20 petits Nm (450 Nm). La voiture n’est disponible qu’en PDK, comme le veut maintenant la doctrine sur les modèles RS. Dommage… Cela permet au GT4 RS de se débarrasser du 0 à 100 km/h en 3,4 s, à comparer aux 3,9 s d’un GT4 PDK.

Impressionnant ? Ce n’est rien à côté du chrono de la bête sur le Nürburgring : 7 min 4,5 s (avec les Michelin Pilot Sport Cup R optionnels), plus de 23 s devant un Cayman GT4 et à peine 6 s derrière une 992 GT3.

Mais assez de chiffres : ici, la réussite se mesure à la largeur de votre sourire, et il est impossible de ne pas être happé par l’expérience. La réponse à l’accélérateur peut être un peu molle à bas régime, mais gardez le moteur dans les tours et c’est instantané. Cette carotte incite tout naturellement à rouler couteau entre les dents. Avec une puissance et un couple maximum si haut perchés, il faut constamment pressurer le flat-6 pour en tirer le meilleur.

On le fait d’autant plus en confiance que les freins (carbone-céramique sur notre exemplaire d’essai) sont indestructibles, tandis que la direction est si instinctive qu’on oublierait avoir un volant entre les mains. On vise la corde, on y jette le train avant, et on remet pied au plancher dès que les roues sont droites. Tout est tellement organique. Les commandes semblent calibrées sur mesure pour vous, chaque réponse de la voiture correspond exactement à ce que vous attendiez. Mais ça, on sait que Porsche le fait mieux que personne. La surprise, dans ce package, c’est la suspension. Pas de double triangulation à l’avant comme sur la GT3, mais des réglages plus raides avec les mêmes valeurs de ressorts et d’amortisseurs que sur la GT2 RS.

On ne me l’aurait pas dit, je ne m’en serais pas douté : dans le mode le plus souple, on est bien loin du bout de bois auquel on s’attendrait sur une voiture aussi typée circuit. Le GT4 RS se joue des mauvais revêtements, et n’a besoin que d’une seule oscillation pour reprendre l’entière maîtrise de ses mouvements de caisse. Voilà de toute évidence un amortissement de qualité, qui en fait une voiture étonnamment efficace et confortable tant elle épouse la route au lieu de la subir. Fermez les clapets de l’échappement actif, laissez-la se caler en septième au régulateur : on peut réellement envisager de voyager dans ce Cayman hardcore, et ça, je ne m’y attendais pas.

Abordons maintenant la question qui fâche : est-ce qu’on n’aurait pas envie d’avoir la même en boîte manuelle ? Évidemment. Mais Porsche rappelle que ce n’est plus dans l’ADN des modèles RS. Et a posteriori, je vous avoue que j’étais bien content de pouvoir garder les deux mains sur le volant pour dompter le fauve. D’ailleurs, la PDK à 7 rapports des Porsche GT fait partie intégrante du spectacle, vive comme l’éclair, tout en soubresauts mécaniques et en sifflements hydrauliques. D’accord, cliquer sur une palette à 9000 tr/min est peut-être moins satisfaisant qu’un beau talon-pointe dans les règles de l’art, mais cela reste sacrément gratifiant. Autre bonne nouvelle, alors que la démultiplication sur le GT4 standard est interminable, ce GT4 RS se vante d’offrir l’étagement le plus court jamais proposé sur une Porsche GT. La seconde vous emmène à 116 km/h à 9000 tr/min, contre 127 km/h à 8100 tr/min sur un GT4 standard. En pratique, cela signifie qu’on peut rester en seconde dans les épingles les plus retorses et, en ligne droite, crucifier n’importe quoi en troisième ou quatrième, en tout cas sur route ouverte.

Avant de mettre le cap sur la piste, mentionnons quelques améliorations qui devraient y être utiles. D’abord, un régime sec : une glace arrière en verre aminci et plus léger, un capot et des ailes avant en fibre de carbone, des tapis de sol allégés, une insonorisation revue à la baisse… On arrive ainsi à 1415 kg, soit 35 kg de moins qu’un GT4 PDK.

Ensuite, il y a la lame avant et le gros aileron arrière en col de cygne, tous deux réglables, qui génèrent jusqu’à 25 % d’appui en plus. Le pack Weissach à 12 708 € qui équipe cette voiture inclut un échappement en titane aux sorties inspirées de la 935, des harnais six points ainsi que de la fibre de carbone brute sur les prises d’air, les coques de rétroviseur, l’aileron arrière et le capot avant (la bande centrale ton caisse, c’est encore une autre option).

On peut y ajouter les freins carbone-céramique à 7980 €, un arceau boulonné (en option gratuite, sauf si vous optez pour celui en titane à 3240 € en sus du pack Weissach). Le fin du fin restant les jantes en magnésium qui permettent de gagner 10 kg par rapport à l’alu, moyennant… 15 000 €.

Nous sommes maintenant en train d’enchaîner les tours, et ce châssis est décidément phénoménal. Plus naturellement joueur qu’une 911, il ne demande qu’à pivoter. Gentiment au freinage, un peu plus franchement à la remise des gaz, mais sans jamais prendre en traître. C’est une voiture merveilleusement équilibrée. On la conduit du bout des doigts, pas avec les épaules. Si vous êtes le Stig, alors à vous les gros travers en bonus, mais on ne va pas faire semblant d’être surpris qu’un Cayman de 500 ch soit doué pour vaporiser ses gommes. Ce n’est qu’un infime échantillon de tous ses talents : assez de grip et de performances pour amuser un pilote pro en week-end, mais une facilité et une exubérance même à basse vitesse qui en donneront aux novices pour leur argent.

Le monde avait-il vraiment besoin d’un Cayman GT4 RS alors qu’on avait déjà la 911 GT3 ? Oui. Je suis fichtrement heureux que cette voiture existe. Avec un Cayman tout électrique à l’horizon, on sent que le département GT a fait tapis pendant qu’il peut encore sortir ce genre de voitures. La production ne sera limitée qu’en temps, pas en nombre d’exemplaires. Alors jetez-vous dessus pendant que vous pouvez, c’est une voiture qui fe

En savoir plus à ce sujet :

Porsche 718 Cayman GT4 RS

Année
2022
Prix mini
144485 €
Type de moteur
Thermique
Longueur
4460 mm
Largeur
1820 mm
Hauteur
1270 mm
Poids
1415 kg
Boîte de vitesses
Automatique
Nombre de rapports
7
Transmission
Propulsion
Puissance
500 ch
Couple
450 Nm
0 à 100 km/h
3,4 s.
Vitesse max
315 km/h
Conso
13,2 l/100km
Rejets
299 g/km CO2

Type
Thermique
Nombre de cylindres
6
Cylindrée
3995 cm³
Alimentation
Atmosphérique
Type carburant
Essence
Puissance
500 ch
Couple
450 Nm