Mercedes EQC 400

Le premier SUV électrique signé Mercedes est-il à la hauteur ?

Paul Horrell • Loïc Depailler
Publié le : 7 août 2019

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Le problème quand on fait une voiture 100% électrique sur une plateforme pas prévue pour ça à la base, c'est qu'on se retrouve souvent avec un truc qui sent la bricole. Fait par Mercedes, ça reste très séduisant mais si le confort et le luxe sont là, ça manque d'espace pour une familiale.

D’après le PDG de Mercedes, Dieter Zetsche, cette automobile compte beaucoup pour la marque parce que la réduction des émissions de CO2 est une priorité. Pour lui, les accords climatiques de Paris sont « la plus grande réalisation de l’humanité ». Je ne me suis pas levé en criant « objection monsieur le juge ! » mais la réalité est un peu plus complexe. Tesla est une compagnie qui s’est fixé comme mission de décarboner l’automobile. L’EQC part avec un handicap. Car les automobilistes qui ont à cœur de préserver la planète auront-ils vraiment envie de faire leur marché chez quelqu’un qui produit également le G63 AMG ? D’un autre côté, Tesla a toujours du mal à dégager un profit de son activité alors que Mercedes sait depuis longtemps que vendre des SUV gavés par des V8 surpuissants et bien polluants à des égoïstes fortunés est un business florissant. C’est d’ailleurs avec cet argent qu’ils ont financé leur SUV électrique EQC.

Et parce que Mercedes n’a ni la même philosophie que Tesla, ni les mêmes objectifs, l’EQC est une bête bien différente d’un Model X. C’est l’archétype de la voiture électrique produite par un constructeur traditionnel. C’est un bon produit, mais très, très normal. Sur route, son raffinement poussé à l’extrême est sans conteste son principal atout. À basse vitesse, pas le moindre sifflement de transmission à signaler. Et quand on roule plus vite, les sifflements aérodynamiques et les bruits de roulement sont remarquablement contenus. Les suspensions passives sont très agréables mais les 2,5 tonnes de l’ensemble sont sensibles. Une conduite un peu incisive se traduit vite par des mouvements de caisse un brin caricaturaux et quelques amorces de pompage. L’EQC préfère être mené avec douceur.

Au besoin, ce e-SUV peut aussi accélérer copieusement grâce aux moteurs installés sur les essieux avant et arrière développant 204 ch chacun. Mais cette impression vient plus de la poussée immédiate (760 Nm) que des g encaissés (le poids, encore).

L’intérieur ressemble à celui de n’importe quelle Benz récente, à l’exception d’un enrobage de planche de bord spécifique et d’ouïes d’aération couleur cuivre. Face à vous, un écran IMAX en réduction fait office de tableau de bord et la console et le tunnel central sont plus envahissants que chez les autres VE. Et dehors comme dedans, les proportions sont très orthodoxes.

Il y a une raison à cela, le châssis est étroitement dérivé de celui du GLC. Il reprend les mêmes suspensions et l’essentiel des soubassements d’une voiture qui n’a pas été conçue initialement pour être électrifiée. Donc pas de plancher plat ni d’intérieur aérien comme chez Jaguar ou Tesla. L’ingénieur en chef admet également que l’EQC aurait pesé 150 kg de moins avec une plate-forme spécifique. Mais selon lui, le poids affecte moins l’autonomie que le Cx et plus de poids signifie plus de régénération au freinage.

C’est tant mieux vu que les 80 kW des batteries n’ont rien d’exceptionnel (Jaguar 90, Audi 95, jusqu’à 100 chez Tesla). Mercedes aurait pu caser quelques packs supplémentaires dans les bords du plancher comme la concurrence, mais ils ont préféré protéger l’ensemble d’une structure antichoc de 10 cm d’épaisseur. Moralité, l’autonomie varie entre 371 et 417 km WLTP suivant sa configuration.

Lors de notre essai en Norvège, l’essentiel de notre parcours était constitué de routes plates, presque désertes et limitées à 80 km/h. Du coup, nous avons presque égalé l’autonomie officielle mais chez nous, faire plus 320 km demandera de la retenue et un œuf sous le pied. Mais si vous pouvez trouver un chargeur ultrarapide (110 kW), l’EQC peut passer de 10 à 80 % de charge en 40 minutes.

Mercedes croit en l’électrique. D’ici quelques années, ses VE auront des plates-formes dédiées, mais électrifier une base de GLC a plus de sens économiquement parlant aujourd’hui. Outre le gain de temps et d’argent en développement, cela permet d’assembler l’EQC sur la même ligne de production. Si les ventes augmentent ou baissent, Mercedes pourra immédiatement ajuster sa production à la demande. D’un point de vue industriel, c’est très pertinent, mais ce choix handicape l’EQC pour ce qui est de l’agilité et de l’espace intérieur. Sa superbe finition, son confort et son badge suffiront-ils à compenser, là est la vraie question…

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