Porsche Cayman GT4 (2019)

Le Cayman GT4 est de retour, et avec lui le flat-six atmosphérique. Toujours une référence ?

Ollie MARRIAGE • Niels de GEYER
Publié le : 15 juillet 2019

8 10
C'est encore mieux qu'avant... et paradoxalement peut-être un tout petit peu moins savoureux. Mais quel plaisir de retrouver le flat-six atmo, surtout associé à cette commande de boîte divine.

Porsche retente un Cayman GT4 ? Pourquoi, ils se sont ratés la première fois ?

Ce serait plutôt l’inverse, ils l’ont un peu trop réussi. Le premier du nom, lancé en 2015, a remporté un immense succès, au point de s’imposer immédiatement comme un archétype de la voiture de sport moderne. Je soupçonne que cette déclinaison sera désormais une institution dans la gamme, exactement comme les GT3 sur la 911. Par ailleurs, le Cayman avait bien besoin d’un petit coup de pouce ces derniers temps : il ne vous aura pas échappé que le passage du flat-six au flat-four turbo sur les 718 a été accueilli fraîchement par les puristes.

Pensez-vous que Porsche prépare le terrain pour un retour au six-cylindres ?

On digresse, mais oui, c’est possible. D’autant que ce nouveau GT4 utilise une version réalésée et sans turbos du flat-six de la 911. Donc ce moteur rentre sans problème.

Je ne suis pas devin mais peut-être qu’ils reprendront une version dégonflée (à un seul turbo ?) du 3.0, de manière à ne pas rouler sur les plates-bandes de la 911 tout en restant dans les clous en matière d’émissions.

En quoi le nouveau GT4 est-il différent de l’ancien ?

Le truc, c’est qu’il n’est pas vraiment différent. Cela n’a pas empêché Porsche de hausser le tarif de quelque 10 000 € (98 180 €). Après tout, ils auraient tort de se priver vu l’hystérie provoquée par le premier du nom, qui s’échange d’ailleurs toujours plus ou moins au prix du neuf.

Attention, le Cayman GT4 a tout de même évolué. Visuellement, il est un peu moins pur. Les roues font la même taille mais le style est plus tarabiscoté autour de la lame avant, de l’aileron arrière et du diffuseur, au nom de l’appui aérodynamique. Celui-ci a augmenté de 50 % au total.

La suspension a été reprise presque telle quelle. Le train avant partage donc toujours beaucoup avec celui de la GT3, y compris les freins (carbone-céramique en option). C’est aussi désormais le cas du train arrière. Comme auparavant, le GT4 n’est disponible qu’avec une boîte manuelle à six rapports.

Et le moteur ? Vous disiez qu’il était issu de la nouvelle 911 ?

C’est bien ça. L’ancien était dérivé de celui de la 991.1 Carrera S, pivoté sur 180° (donc avec la boîte de vitesses derrière et non plus devant). Il développait 385 ch à 7 400 tr/min et 420 Nm de 4 750 à 6 000 tr/min. Son remplaçant est plus astucieux. Le bloc est cette fois issu du 3.0 de la 911 type 992, mais profondément retravaillé pour plus de saveur. Il passe à 4 litres, hérite d’un vilebrequin en acier forgé à palier principal plus épais au profit de la rigidité, un carter en plastique (36,5 % plus léger), des soupapes hydrauliques, un start-stop et un système de désactivation de cylindres. En cas de faible sollicitation, celui-ci coupe l’un des bancs de cylindres entre 1 600 et 3 000 tr/min. Et si vous vous retrouvez dans les bouchons, le moteur bascule automatiquement sur l’autre banc pour équilibrer la température entre les deux catalyseurs. Pas bête.

Bla bla bla. Ça donne quoi en chiffres ?

420 ch à 7 600 tr/min, 420 Nm de 5 000 à 6 800 tr/min.

Donc un peu plus de puissance et un couple qui déboule un peu plus tard ?

Tout à fait. Le 0 à 100 km/h ne bouge pas (4,4 s). Seule la vitesse de pointe augmente un peu grâce au travail sur l’aéro (304 km/h, + 9 km/h).

Mais pourquoi n’est il pas plus performant que l’ancien avec autant de chevaux en plus ?

La masse, tout simplement. Ce nouveau GT4 ne pèse plus 1 340 kg mais 1 420 kg.

80 kg de plus ? Gné ?

J’en ai bien peur. Porsche ne s’étend pas trop là-dessus. Tout ce qu’on sait, c’est que le démarreur, le filtre à particules et le nouveau diffuseur arrière y sont pour quelque chose. Je suppose que ce moteur est plus lourd, et qu’il n’a pas été possible de revenir sur l’embonpoint des modèles quatre-cylindres turbo par rapport à leurs prédécesseurs… La GT4 – croyez bien que ça m’étonne et me désole tout autant que vous – est même le Cayman le plus lourd de la gamme. Le GTS, pourtant plus luxueux, est ainsi 45 kg plus léger. Et plus performant si vous avez coché la boîte PDK et le pack Sport Chrono.

Un GT4 qui n’est ni la voiture la plus légère, ni la plus performante de la famille ? Et puis quoi encore, après ça vous allez me dire qu’ils n’ont pas remédié à l’étagement trop long de l’ancien modèle ?

C’est vrai que c’était le principal reproche qu’on pouvait lui faire. Eh non, rien n’a été fait à ce niveau. Porsche considère que grâce à son surcroît de couple à bas régime, le nouveau GT4 n’a pas besoin d’un étagement plus court.

Et en pratique ?

Il a besoin d’un étagement plus court.

Même si le nouveau moteur monte un peu plus vite en régime, et ne faiblit pas à l’approche de la zone rouge, une seconde, une troisième et une quatrième raccourcies ne seraient pas de refus. L’agrément sur route en bénéficierait considérablement. Là, on a tendance à rester en troisième et à surfer sur le couple plutôt qu’à jouer du levier, et c’est du gâchis tant cette commande est plus agréable à manier que jamais.

Alliée à un embrayage bien plus léger qu’autrefois, cette transmission est un régal d’efficacité, quoique un peu moins mécanique qu’avant. Comme l’ensemble de la voiture, en fait.

Le précédent GT4 avait le caractère artisanal d’une auto développée en dehors des horaires de bureau, peaufinée autant que possible mais encore un peu brute de décoffrage. Le moteur grondait, l’embrayage était dur, cette voiture avait du charisme. Le nouveau est plus doux, plus léger en main, plus facile à conduire et encore plus docile. Ce n’est pas un mal : la voiture est encore mieux équilibrée dans les virages, plus mordante à l’inscription, et le maintien de caisse est sidérant. C’est absolument exquis : une pichenette sur le levier de boîte, la direction qui s’alourdit comme il faut à l’approche de la corde, la sensation de la voiture qui pivote autour de vous, la retranscription parfaite de l’adhérence… C’est sublime d’efficacité, de précision et d’harmonie.

Le surpoids ne se fait pas sentir. Du tout. J’adore l’amortissement, avec un tout petit peu de mou en détente, mais un contrôle des mouvements de caisse irréprochable quand on en demande plus à la suspension. Le mode Sport durcit les amortisseurs, mais je ne suis pas sûr que ce soit nécessaire vu la perfection du compromis standard. En tout cas, le GT4 n’est pas moins confortable ni moins polyvalent que n’importe quel autre Cayman.

Ça fait plaisir de reconduire un Cayman atmo ?

Et comment. Il ne faut jamais sous-estimer l’importance du son et de la réponse à l’accélérateur. Avoir sous le pied droit un moteur qui fait exactement ce que vous voulez, quand vous voulez, et le fait en chantant avec enthousiasme, ça n’a pas de prix. L’accélérateur est parfaitement calibré, le timbre se fait dur ou chaleureux à la demande. Ça ne pouvait être qu’un flat-six.

Mais il a changé. Moins rauque, moins volubile, plus lisse. Un peu moins charismatique. Le bruit est aussi moins naturel. L’échappement actif fait une grosse différence sur les basses. Je n’arrive pas à décider si c’est une bonne chose ou si ça exacerbe le côté artificiel de la bande-son.

Est-ce que Porsche a réussi à progresser ailleurs ?

Je suis séduit par la nouvelle boîte. Le tout petit débattement et la franchise des verrouillages sont addictifs. Il y a aussi le rev-matching (talon-pointe automatique) qui peut être activé via un bouton séparé (et non plus d’office en mode Sport). C’est mieux aussi, je préfère être libre de faire mes propres erreurs. Sans surprise, l’habitacle est superbe même si les seuls changements visibles entre les deux générations de GT4 sont la forme des aérateurs et la taille de l’écran tactile central.

Des options incontournables ou à éviter ?

La plupart des acheteurs cocheront probablement le pack Clubsport (3 960 € pour un arceau-cage, un extincteur et un harnais six points), mais si vous avez prévu d’utiliser le GT4 au quotidien, mieux vaudra éviter. Les baquets intégraux coûtent 5 400 €. Ils sont excellents, mais là encore pas idéaux dans la vraie vie. Idem pour les freins céramique hors track days (et revente, certes).

Résultat des courses ?

Côté châssis, le Cayman GT4 est meilleur que jamais. Meilleur qu’à peu près n’importe quoi à n’importe quel prix, d’ailleurs. Cependant, même s’il s’agit globalement et objectivement d’une meilleure voiture, je peine à le trouver aussi envoûtant qu’avant. Il est un peu plus facile, plus consensuel, plus passif. Peut-être que devoir composer avec les points faibles de l’ancien faisait partie de son charme. Et que cette aseptisation était inévitable sur la base technique de la 718.

Honnêtement, si on me donnait le choix entre les deux, j’ignore lequel je prendrais. Probablement l’ancien, ne serait-ce que pour son côté collector (et la cote à la revente sans doute conséquente). Dans les deux cas, le Cayman GT4 reste une formidable voiture de sport.

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