Concepts oubliés : Chevrolet CERV III

La Corvette à moteur central arrière qu'on aurait pu avoir il y a vingt ans...

La rédaction
Publié le : 13 octobre 2021

C’est joli, mais qu’est-ce que c’est ?

Ceci est la Chevrolet CERV III (CERV pour Corporate Engineering Research Vehicle). Elle a été dévoilée au salon de Detroit 1990, alors que le design automobile commençait à s’éloigner des angles wedge des années 1970-80 pour des lignes plus fluides et organiques.

CERV III ? Ça veut dire qu’il y en a eu deux avant ?

Bien vu. Les Chevrolet CERV I et II étaient des concept cars lancés respectivement en 1960 et 1964. Le premier était une monoplace à moteur central arrière (la Formule 1 commençait à peine à adopter cette architecture, l’Indycar s’y mettra un peu après), le second une barquette façon sport-proto qui aurait pu devenir la GT40 de Chevrolet. Il y aura aussi un CERV-IV en 1992, qui tiendra lieu de mulet pour développer la Corvette C5 de 1997 (le C de CERV veut d’ailleurs ici dire Corvette).

Quelle était la vocation des concepts CERV ?

Le premier était un laboratoire roulant focalisé sur le comportement dynamique, pour explorer les limites d’un châssis, d’une suspension, d’un pneu, et leur interaction. Le deuxième privilégiait la performance en ligne droite avec un V8 de 500 ch capable de le catapulter de 0 à 100 km/h en 3 s (en 1964, rappelons-le) via une transmission intégrale. Le troisième se voulait une vitrine technologique du savoir-faire General Motors, pour créer une véritable supercar.

Donc technologiquement, c’était du lourd ?

Et comment. Roues arrière directrices, suspension active en titane pilotée par ordinateur (comme sur les F1 du début des années 1990), structure nid d’abeilles en aluminium et fibre de carbone, Nomex, Kevlar : cette voiture était une merveille de technologie.

À quoi ressemblait l’intérieur ?

On y accédait par des portes en élytre, parce qu’une vraie supercar a des portes en élytre. Mais une fois à bord, c’était nettement moins spectaculaire. Il faut dire que la CERV III était davantage un prototype qu’un concept car à proprement parler, avec tout ce que cela implique en termes de réalisme. Les ingénieurs n’allaient pas laisser les designers leur mettre des bâtons dans les roues avec un mobilier aux formes trop complexes et des matériaux trop exotiques. Ici, on pensait fonctionnel. Un volant, des sièges, des compteurs, des boutons : circulez, il n’y a rien à voir. Et rien pour distraire de l’expérience de conduite si la CERV III était arrivée en production.

Qu’y avait-il sous le capot ?

Tout ce qu’il fallait. La CERV III, ce n’était pas juste une silhouette de top model. Le moteur était en positon centrale arrière, parce que cela faisait déjà un bout de temps qu’une telle architecture trottait dans la tête de General Motors pour la Corvette. Ils ont donc enfourné derrière les sièges un V8 5.7 biturbo préparé par Lotus pour atteindre 650 ch. Résultat, un 0 à 97 km/h en 3,9 s et une colossale vitesse de pointe de 362 km/h, mieux qu’une Jaguar XJ220 contemporaine. La CERV III pouvait compter sur une transmission intégrale (à laquelle Jaguar avait dû renoncer entre le concept car et la voiture de série) et des doubles freins à disque. La boîte de vitesses automatique à six rapports était en fait une boîte Hydramatic trois rapports maison couplée à une boîte deux rapports conçue spécialement pour l’occasion, le tout piloté par ordinateur. Impressionnant.

Bref, elle aurait fait une formidable Corvette, non ?

On ne vous le fait pas dire. Quand le projet CERV III a été amorcé, la Corvette C5 devait arriver en 1993. On peut voir quelques similitudes visuelles dans le traitement des volumes, mais la date du lancement a été peu à peu reportée à 1997 à cause d’une mauvaise passe financière. Telle quelle, la CERV III aurait joué dans la cour des meilleures supercars de son époque : Ferrari F40, Porsche 959, Jaguar XJ220, Bugatti EB110, McLaren F1. Faute de budget, les ingénieurs ont dû revenir à une voiture beaucoup plus conventionnelle, moins ambitieuse et plus rentable, dont l’allure ne s’éloignera finalement guère de celle de la C4. Il faudra attendre encore deux décennies (2019) pour découvrir la première Corvette de série à moteur central arrière.

Puis-je conduire une Chevrolet CERV III ?

Le prototype originel est désormais stocké au Chevrolet Heritage Center de Sterling Heights dans le Michigan, qui n’est pas ouvert au public mais accueille ponctuellement des visites de groupe ou des conférences. Côté jeux vidéo, la CERV III faisait partie du casting de Test Drive III (1990) ; vous pouvez toujours tenter de la piloter virtuellement via un émulateur, mais quelque chose nous dit que vous ne ressentirez pas toute la puissance brute de la voiture. Non, l’expérience la plus approchante reste certainement de mettre la main sur une Corvette C8 Stingray flambant neuve. Ça aura mis trente ans, mais le futur aura fini par advenir.

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