Pininfarina Battista

Des accélérations addictives dans un écrin haute couture : électrique ou pas, la Battista est une hypercar unique en son genre

Ollie MARRIAGE • Niels de GEYER
Publié le : 12 octobre 2021

9 10
Les plus :
Lignes sublimes
Conduite accessible
Performances ahurissantes

Les moins :
Tarif indécent
Sac en papier à prévoir pour les passagers, ce serait dommage de salir l'habitacle cousu main...

Au volant

C’est à Miami que nous avons fait connaissance avec la Battista, une ville où les bouchons sont la norme et dans les environs de laquelle il n’y a pas la moindre route intéressante. Pas grave : conduire cette voiture au ralenti est un jeu d’enfant. La suspension n’est pas tout à fait moelleuse, mais bien assez confortable pour un usage quotidien. La double boîte de vitesses (une par essieu, à un rapport chacune), la douceur de l’accélérateur dans les modes de conduite les plus tranquilles, le freinage régénératif suffisamment puissant pour conduire à une seule pédale en ville… On se croirait au volant d’une Tesla, mais une Tesla très basse et très large.

Très silencieuse, aussi, mis à part la bande-son artificielle, diffusée via deux haut-parleurs externes et les douze du système audio embarqué. Celle-ci n’est pas inintéressante. Elle est particulièrement saisissante au démarrage dans un box, quand les basses fréquences se réverbèrent sur les murs. Elle n’essaie pas d’imiter un moteur thermique, mais on pourrait parfois s’y méprendre. Selon les modes de conduite et la vitesse, la fréquence et le volume grimpent. Sûrement parfait pour amorcer une conversation au Polo Club, mais je couperais ça au bout d’un jour ou deux.

Même si la Battista se révèle un moyen de transport étonnamment utilisable à vitesse raisonnable, il faut prendre sur soi pour ne pas mettre pied au plancher à la première occasion. Car la puissance affleure, prête à se déchaîner dès que vous céderez à la tentation. Nous mettons donc le cap sur le circuit de Homestead-Miami. À l’entame de la ligne droite, j’écrase l’accélérateur. Et laisse échapper un petit couinement involontaire quand l’air est pressé hors de mes poumons et que nous sommes projetés vers l’avant avec une violence que je n’avais encore jamais ressentie. L’accélération en ligne droite ferait passer une Porsche Taycan pour une Citroën AMI. Et encore, je m’aperçois que je suis en mode Energica, et non en Furiosa. Résultat, je n’utilise QUE 1360 ch et 1 889 Nm, autrement dit 71 % du potentiel de la voiture. Et mon cerveau a déjà du mal à suivre.

Passons rapidement en revue ces modes de conduite, qui s’ajustent grâce à une molette rotative positionnée sur la contre-porte. Vous avez Caraterre, qui permet de personnaliser chaque réglage ; Calma, le plus paisible (408 ch, 1 180 Nm) ; Pura (1 013 ch, 1 415 Nm), Energica et enfin Furiosa (1 900 ch et 2 300 Nm, avec la vectorisation de couple maximale). L’aileron arrière, qui fait office d’aérofrein et se déploie automatiquement à haute vitesse, peut générer jusqu’à 500 kg d’appui, « plus que le poids d’un ours polaire adulte », selon Pininfarina. Nous serions curieux de savoir comment ils sont arrivés à cette comparaison.

Alors que je m’apprête à basculer en Furiosa, il se met à pleuvoir et nous battons en retraite vers les stands. La piste est encore humide lorsque nous ressortons, ce qui n’est pas anodin quand on a 1 900 ch à passer au sol avec des Michelin Sport Cup 2RS. Là, si je mets un peu trop de gaz, l’arrière patine dans les virages – grâce à une répartition du couple par défaut de 30 % à l’avant et 70 % à l’arrière avant que la vectorisation de couple et/ou le contrôle de trajectoire interviennent – et on peut sentir la masse pousser le nez vers l’extérieur, puis la puissance basculer à l’arrière et la voiture se mettre à survirer instantanément quand on réaccélère. Cela beau être l’une des voitures les plus sophistiquées jamais produites, 1 900 ch restent 1 900 ch, et c’est intimidant quand vous n’avez que quelques cm² de gomme pour agripper une surface humide tout en maîtrisant quelque deux tonnes de carbone et de lithium.

Mais à mesure que le circuit s’assèche l’après-midi, le génie de la Battista se révèle progressivement. Au fur et à mesure que le grip s’améliore, on peut aller plus loin sur l’accélérateur, plus souvent. Le train avant commence à mordre dans les virages et à vous catapulter en sortie plutôt que de vous mettre en travers. On sent la vectorisation de couple retrousser ses manches et la masse s’évanouir. Je finis par m’élancer sans retenue dans la ligne droite, écraser les freins (titanesques pour être à la mesure de la tâche) au dernier moment et passer en force dans les virages. C’est brutal, et même éprouvant physiquement malgré une direction à la Ferrari aussi légère que directe, et l’absence d’embrayage.

Il est franchement indécent qu’une auto de deux tonnes, qui n’est absolument pas marketée comme une pistarde et qui est même supposée être un peu plus réservée que sa cousine la Rimac Nevera, puisse faire tout ça. Elle dévore littéralement l’infield, me laissant le souffle coupé et l’envie de plus. J’imagine que les propriétaires de Battista ne seront pas nombreux à écumer les track-days à son volant, mais je ne peux que les inciter à le faire et à explorer ses limites. Ils vont être sciés.

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