Il y a 70 ans, Ferrari remportait ses premières 24 Heures du Mans

Au volant d’une propulsion à moteur V12, placé à l’avant bien sûr

Vijay Pattni • Valentin Langard
Publié le : 27 juin 2019

Mais attendez… Ferrari, propulsion, moteur V12 à l’avant… Ça me rappelle quelque chose… mais quoi ? Ah, oui ! Ça me rappelle la Ferrari 812 Superfast que je conduis actuellement sur l’autoroute – et sous une pluie torrentielle.

Vous voyez de quel genre de pluie je parle ? Celle aux airs d’apocalypse, qui rend le fait de conduire assez compliqué, voire terrifiant quand on a 800 chevaux italiens sous le capot et un train arrière connu pour être… remuant.

C’est le moment parfait – à deux doigts d’aller drifter dans le fossé au moindre éternuement – pour méditer sur l’histoire. Le fait est qu’il y a 70 ans, le 26 juin 1949, Ferrari remportait les 24 Heures du Mans pour la toute première fois de son histoire. Depuis, la marque italienne a totalisé pas moins de 9 victoires sur le circuit de la Sarthe.

L’histoire qui se cache derrière ce premier succès mélange prouesse physique à pincée d’intrigue et de rumeurs, comme toute bonne histoire de course qui se respecte. Tout commence avec la 166 MM illustrée ci-dessous, alors la dernière création d’Enzo Ferrari en date.

Elle n’était pas tout à fait nouvelle, et résultait plutôt du développement d’un autre modèle déjà existant. On parle ici de la 125 S, lancée en 1947 et première voiture à porter le badge au cheval cabré.

La 166 est arrivée sur la scène moins d’un an après. Dans cette version MM (pour Mille Miglia), elle était là pour prouver au monde du sport automobile que « Ferrari » était un nom sur lequel il faudrait compter à l’avenir.

Plutôt jolie non ? Enzo n’avait à l’époque pas encore désigné Pinin Farina comme son collaborateur privilégié. Cette 166 MM est le fruit de la Carrozzeria Touring, basée à Milan. Au menu : aluminium et visage épuré venant souligner la simplicité du design d’autrefois. Le tout renferme un V12 2.0 signé Giocchino Colombo qui produit 140 chevaux. Largement suffisant en 1949, vous en conviendrez…

800 chevaux dans une Ferrari moderne, à propulsion et moteur V12, c’est tout aussi largement suffisant. La 812 n’est pas Superfast, elle est Superdingue. La fameuse citation d’Enzo que l’on répète constamment – « vous payez le moteur et je vous offre le reste de la voiture » – n’a jamais aussi bien collé qu’avec la 812.

C’est un chef d’œuvre, vraiment. Il existe des tas de V12, mais il n’y a qu’un seul V12 atmosphérique 6.5 qui veut sans arrêt danser, chanter, vous frapper en plein dans les parties intimes, hurler, vous couper le souffle… tout ça en même temps. Même au plus bas des régimes, il est là, prêt à bondir, pour vous emmener malicieusement jusqu’à 8900 tr/min. Une fois là-haut, il vaut mieux être courageux, talentueux, préférablement sur un circuit ou une route bien large. Vous irez non seulement très très vite, mais aurez aussi la chance d’entendre l’une des plus belles notes jamais offertes par la mécanique.

Ce n’est par contre pas la façon la plus agréable de voyager. Elle est vendue comme une GT, mais elle ne nous laisse pas un seul moment de repos. Le confort est au rendez-vous mais la conduite demande une attention folle. La moindre pression sur une pédale, le moindre degré de rotation du volant… vous pensez, la 812 vous répond à vitesse lumière. C’est plutôt fatigant à la longue, mais aussi presque mignon en un sens : la 812 vous sollicite tout le temps et veut être au centre de toutes vos pensées.

Les autoroutes françaises ? Pas son habitat naturel donc. Il nous faudrait un circuit, où son V12 pourrait s’exprimer tranquillement sur de longues lignes droites… J’ai entendu parler d’un truc au Mans ?

C’est l’occasion de revenir à notre histoire et à l’entrée en scène du héros : Luigi Chinetti. Né en juillet 1901, Chinetti était un passionné de voitures comme on en fait plus. Il a rejoint le département Recherche & Développement d’Alfa Romeo à seulement 16 ans. De là, il n’a pas tardé à rencontrer Enzo Ferrari et commence à s’affirmer sur la piste au cours des années 30. C’est en 1932 qu’il remporte les 24 Heures du Mans pour la première fois, au volant d’une Alfa Romeo. Il participe même au Grand Prix de France en 1936.

Il accroche très vite au look de la 166 MM, si bien qu’il désire l’emmener aux premières 24 Heures d’après-guerre. Enzo refuse : l’épreuve du Mans était trop exigeante. Il ne pouvait fournir ni le personnel, ni ladite voiture. Chinetti n’a pas baissé les bras.

Il a réussi à convaincre Lord Selsdon – Peter Mitchell-Thomson, un aristocrate britannique – d’acheter la 166 MM et de venir courir avec lui au Mans. Selsdon avait lui-même un certain passif avec l’épreuve, et y avait piloté des Lagonda avant la guerre. Il finit par accepter et acheter la voiture.

La partie « rumeur » commence ici. La légende raconte que la veille du départ, tous deux buvaient à leur hôtel situé le long de la ligne droite des Hunaudières. Chinetti aurait vidé ses verres de cognac dans les buissons. Selsdon les buvait. Quand celui-ci est parti se coucher, il ne s’est pas réveillé avant dimanche, et n’a pas pris plus d’une heure le volant de la Ferrari.

Le fait indiscutable est là : Luigi Chinetti, un pilote de 47 ans, a piloté durant 23 de ces 24 heures du Mans, et a gagné au volant d’une Ferrari, à moteur V12 et propulsion. La première victoire de la marque, sur les neuf remportées entre 1949 et 1965. Même si elle continue de très bien performer en catégories GT (elle a remporté la GTE Pro avec une 488 cette année), elle n’a depuis plus jamais disputé une victoire au général.

Un retour en force serait le bienvenu. Et puisque la bataille au sommet se jouera entre hypercars d’ici quelques années… La 812 ne serait sûrement pas le choix parfait, déjà parce qu’elle n’est pas hybride, mais on imagine que Chinetti l’aurait bien aimée, et qu’elle ne lui aurait sûrement pas fait peur.

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