La Bugatti Centodieci est parmi nous

Bugatti rend hommage à l’EB110 avec une hypercar limitée à 10 exemplaires

La rédaction
Publié le : 19 août 2019

Pour Bugatti, produire la voiture tous les records n’est apparemment pas suffisant : il faut braquer les projecteurs en permanence sur la marque à coup d’éditions spéciales et autres « one-off », dont les prix fantasmagoriques permettent par ailleurs de faire tranquillement tourner la boutique. Stephan Winkelmann, patron de la marque depuis 2018, applique consciencieusement la philosophie qui lui avait si bien réussi chez Lamborghini.

Après La Voiture Noire, exemplaire unique à 11 millions d’euros hors taxes, voici donc une salve de dix autos à 8 millions pièce. Avant que vous criiez au hold-up en postillonnant sur votre clavier, essayons tout de même de voir ce qui fait de cette Centodieci autre chose qu’une simple machine à cash.

Quand Volkswagen a racheté et rebooté Bugatti en 1998, la période Romano Artioli (qui acquit la marque en 1987) fut remisée aux oubliettes, et l’EB110 avec elle. Une contemporaine de la McLaren F1, animée par un V12 3.5 quadriturbo de 550 ch (voire 610 en version Super Sport), avec un châssis en carbone, produite dans une usine à la pointe de la technologie et du design à Campogalliano, près de Modène. C’est une véritable dream team qui s’était penchée sur son berceau : Marcello Gandini au design (achevé par Giampaolo Benedini, l’architecte de l’usine), d’illustres anciens de chez Ferrari (Nicola Materazzi, Mauro Forghieri) et Lamborghini (Paolo Stanzani) à la technique, le jeune Loris Biccochi comme pilote de développement. Dieter Gass, actuel patron d’Audi Motorsport, y fit lui aussi un passage à ses débuts. Michael Schumacher s’offrit une EB110 SS pour célébrer son premier titre en F1 en 1994, mais son exemple ne fut guère suivi et ce projet pharaonique fut débranché peu de temps après.

En 2019, Bugatti fête ses 110 ans et se décide à cette occasion à exhumer enfin l’EB110 (dont le nom faisait à l’époque référence au 110e anniversaire de la naissance d’Ettore Bugatti). La Centodieci – 110 en italien, au cas où… – a beau être basée sur la Chiron, l’hommage à l’EB110 Super Sport est clair. « L’EB110 est une voiture très plate, aux coins arrondis et à l’esthétique pratiquement bidimensionnelle, typique de la fin des années 1980. Transposer cette esthétique dans le nouveau millénaire en intégrant la plate-forme de la Chiron a représenté un grand défi technique », explique Achim Anscheidt, directeur du design.

Les clins d’œil à l’EB110 passent notamment par le traitement minimaliste des optiques, la découpe anguleuse des surfaces vitrées, les cinq petites prises d’air ronde enchâssée dans un trapèze sur la custode (un détail spécifique à la version Super Sport) ou encore l’imposant aileron fixe et actif (idem), capable de générer autant d’appui que sur la Divo. La Centodieci est 20 kg plus légère qu’une Chiron (soit « seulement » 1 975 kg), tandis que le W16 8.0 quadriturbo développe désormais 1 600 ch, ce qui lui confère le meilleur rapport poids/puissance de la famille devant la Divo (1 960 kg / 1 500 ch).

Stephan Winkelmann a récemment invité Romano Artioli à Mosheim, une manière de saluer enfin sa contribution à l’histoire mouvementée de Bugatti, et la place de l’EB110 dans son arbre généalogique. « L’EB110 était une voiture en avance sur son temps, qui méritait son blason à 110 %, souligne Romano Artioli, 86 ans. Je ne suis sans doute pas la personne la plus objective dans cette affaire, mais aucune autre voiture ne mérite plus un hommage que l’EB110. » Au risque d’en contrarier certains ?

« Pour moi, il n’y avait aucune raison d’écouter ceux qui n’en voulaient pas, estime Stephan Winkelmann. On ne choisit pas son histoire. Bugatti a connu selon moi trois époques ; l’ère Campogalliano fut la plus brève. Le 110e anniversaire de la marque est le bon moment pour évoquer cette période, avec cette voiture comme trait d’union. »

« Je pense qu’il nous faut dépasser une approche simplement basée sur le produit pour une philosophie plus globale, centrée sur l’expérience en général. C’est là que l’histoire a son importance. N’importe qui peut mettre un gros moteur dans un belle voiture. Mais nous avons une histoire, nous ne partons pas de zéro. Cette voiture doit être fidèle aux valeurs de la marque, montrer que nous avons réfléchi en amont à la façon dont la faire évoluer. Diluer une marque avec un ADN aussi fort dans le seul but de générer du profit serait une mauvaise approche. »

Ne reste plus qu’à réunir l’EB110 et la Centodieci, quelque part dans les faubourgs de Modène, si l’on arrive à trouver l’un des 10 heureux clients qui ont mis la main dessus avant même qu’elle ne soit annoncée…

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