« Plaid », c’est pour quoi, déjà ?

Ah oui, la Tesla Model S Plaid, baptisée ainsi parce que c’est la seule vitesse au-dessus de Ludicrous dans Spaceballs, une parodie de Star Wars signée Mel Brooks. Hashtag ElonHumour. Plus concrètement, c’est une berline à trois moteurs électriques, forte de 1 020 ch et 1 400 Nm, aux quatre roues bien sûr.

Cet ensemble autorise des accélérations du genre brutal : 0 à 100 km/h en 2,1 s, le 400 m départ arrêté en 9,2 s. Jusqu’à 160 km/h, elle tient tête à une Chiron.

Encore plus choquant ? Il ne lui faut que 4,65 s pour reprendre de 97 à 209 km/h (60 à 130 mph), bien moins de temps qu’il ne vous en faut pour lire cette phrase volontairement un peu longue. Ce n’est pas juste rapide, c’est humiliant pour n’importe quelle supercar moderne : on parle d’une grande berline de luxe de 2 215 kg, avec un énorme coffre. Et un autre à l’avant. Et Netflix à bord.

D’accord, mais elle va vider sa batterie instantanément dès qu’on voudra vérifier ces chiffres, non ?

Certes. À pleine vitesse, la batterie serait à plat en 15 -20 minutes. Mais la Model S Plaid, avec sa batterie de 95 kWh (net) annonce tout de même 600 km d’autonomie WLTP. Et en roulant normalement sans connaître la fiche technique, jamais on n’imaginerait qu’elle dispose d’une telle réserve de puissance. La Taycan Turbo S ? Elle est plus lente, moins efficiente, offre moins d’autonomie et beaucoup moins d’espace, pour plus cher. Le seul domaine où elle peut espérer surpasser la Tesla, c’est la vitesse de charge, mais de peu, et à condition de trouver la borne qui va bien.

Mais la Porsche doit rester devant en châssis, non ?

C’est là qu’intervient le Pack Piste : un ensemble de pièces optionnelles qui doit permettre à la Model S Plaid d’être aussi douée pour les track days que pour déboîter la nuque de passagers qui ne se méfient pas (voire les obliger à tester le cycle extra-long de leur lave-linge).

Plus précisément, qu’y a-t-il dans ce pack ?

La Plaid standard a déjà des options logicielles qui autorisent une vitesse de pointe plus élevée et un contrôle de stabilité plus coulant, ainsi qu’une distribution du couple privilégiant plus nettement l’arrière. Sachant qu’avec cette configuration à trois moteurs, la puissance maximale est d’environ 340 ch sur l’essieu avant et 680 ch sur l’essieu arrière.

Le Pack Piste va plus loin en ajoutant un meilleur refroidissement de la batterie pour avoir accès plus longtemps et plus souvent à la totalité de la cavalerie, une vitesse de pointe plus élevée (322 km/h au lieu de 280 km/h), de nouveaux réglages pour la suspension pneumatiques, et une vectorisation de couple plus agressive.

En l’absence de boîte, cette incroyable vitesse de pointe est permise par des rotors à revêtement carbone dans les moteurs électriques, qui peuvent ainsi tourner à plus haut régime. Si la puissance suit, les moteurs peuvent en encaisser 25 % de plus. Et côte puissance, la Model S Plaid a de quoi voir venir…

C’est cependant la partie hardware qui est la plus évidente : pour 13 825 €, le pack inclut des freins carbone-céramique couplés à un liquide de freins spécifique. Mais il faut alors y ajouter les jantes Arachnid 21 pouces à 4 900 €, les Tempest 19 pouces de série n’étant pas compatibles avec les freins céramique. Pour un total de 18 435 €, le pack inclut des jantes Zero-G 20 pouces chaussées de Goodyear Supercar 3R. Le tout peut être acheté en deuxième monte si vous avez déjà une Model S Plaid dans votre garage.

Donc la Plaid n’avait pas de gros freins en série ?

Nope, et les propriétaires n’ont pas manqué de s’en plaindre : aux Etats-Unis, un nombre étonnamment élevé d’entre eux emmènent leur voiture sur circuit. Autre tout petit détail : les Goodyear du pack ne sont pas homologués pour la route en Europe… Ce qui signifie qu’il faudra vous rendre sur la piste avec les Michelin Pilot Sport 4S de la monte standard, et chausser les Goodyear sur place. Toujours motivé ?

La bonne nouvelle, c’est que le coffre de la Model S est tellement vaste (709 l) que si vous rabattez la banquette arrière (1 829 l), vous pouvez caser quatre roues dans la voiture. Essayez d’en faire autant dans une Taycan…

Plus sérieusement, ça fonctionne ? Est-ce que ça en fait une bête de course ?

Oui et non. Oui, ça fonctionne, et oui, c’est un monstre. Mais il faut nuancer. D’abord, même sans parler de circuit, la Plaid exige les freins céramique : une voiture si lourde et si véloce se doit d’être équipée des meilleurs freins possibles.

Les parties logicielle et refroidissement sont juste là pour aider la voiture à digérer ses propres performances, et lui donner accès à tout son (considérable) potentiel ludique. Ce qui est vraiment intéressant, ce sont les différents modes qui filtrent le comportement de la Model S en agissant sur la résistance de l’accélérateur et de la direction, les réglages de la suspension pneumatique, l’optimisation de la batterie, de même que la vectorisation de couple.

Le mode Drag met la voiture en « Cheetah Stance » (littéralement « position du guépard ») pour aider à pulvériser le 0 à 100 km/h. À n’importe quelle vitesse jusqu’à 250 km/h, elle continue de se projeter implacablement vers l’horizon. Sur le Paul Ricard, elle a facilement atteint les 300 km/h dans la ligne droite du Mistral. Les 322 annoncés sont parfaitement crédibles. La motricité dans les épingles est tout aussi impressionnante, surtout par rapport à n’importe quoi d’autre avec cinq places à bord.

Quid du mode Track ?

J’y viens. Celui-ci permet de faire varier la distribution du couple entre l’avant et l’arrière par incréments de 5 %. Vous pouvez donc avoir une voiture typée traction ou propulsion, et c’est extrêmement amusant. Dans le premier cas, la voiture paraît juste surpuissante, mais avec une tendance naturelle au sous-virage. Poussez le curseur vers l’arrière et elle chasse immédiatement. En position intermédiaire, les deux essieux travaillent pour offrir un maximum de grip.

Mais ?

La direction reste trop légère et inconsistante. Ça manque d’infos sur là où l’on met les roues. Et si la motricité est rarement un problème, il arrive aux pneus avant de patiner, ce qui parasite la direction. Une voiture plus analogique (pas forcément thermique, nuance) sera plus gratifiante sur circuit, parce que le conducteur se sentirait plus impliqué.

Nous ne sommes pas non plus particulièrement convaincus par les jantes et les pneus. Des roues plus légères, moins de masses non suspendues et en mouvement aux extrémité des essieux, c’est toujours un gros plus. Des pneus qui grippent aussi. Mais ça devient vraiment contraignant si ces derniers ne sont pas homologués pour la route. Or si l’on est suffisamment mordu et fortuné pour remorquer une Model S Plaid jusqu’à un circuit, ou changer les roues et/ou les pneus sur place, alors il y a de bien meilleurs choix de pistardes. Vous serez mieux avec quelque chose de plus radical, plus léger, plus analogique… Quelque chose avec un moteur thermique et une boîte manuelle, en gros.

D’ailleurs, c’est avec les Michelin standard que la Plaid est la plus amusante, alors ça ne vaut certainement pas le coup de s’infliger toutes ces contraintes dans les stands. Sauf si vraiment vous venez pour battre le record du tour, évidemment.

En revanche, Pack Piste ou non, la Plaid est une révélation sur la route. À basse vitesse, on sent tout de suite combien cette génération de Model S est mieux construite et plus silencieuse, sans parler de son équipement et de sa connectivité dernier cri. Mettez-la en mode Comfort et c’est « juste » une Model S, avec toutes ses qualités. Mais le mode Plaid, et les freins carbone-céramique du pack, en font une tueuse de supercars à la demande. Les passionnés la préféreront-ils à quelque chose comme une BMW M5 CS ? Bien sûr que non. Mais ils auraient bien tort de ne pas s’y intéresser.

À part ça, quoi de neuf dans la Model S ?

Tesla n’est pas très prolixe à propos des évolutions de ce nouveau cru. Il y a pourtant de quoi se réjouir. La voiture pèse une centaine de kilos de moins que la version précédente. La batterie compte moins de cellules à autonomie égale, donc une densité en hausse. L’intérieur à lui seul représente un énorme gain de 30 kg. Les isolants phoniques étant lourds par nature, Tesla en a enlevé pour les remplacer par des micros et un système d’annulation de bruit via les enceintes. La voiture est en tout cas particulièrement silencieuse en pratique, même pour une électrique.

Et la qualité perçue ?

L’assemblage et la finition de notre Model S étaient irréprochables. Il y a quelques pièces et matériaux qui font un peu cheap par rapport à une allemande, mais de moins en moins.

Le grand écran peut être orienté vers le conducteur ou le passager, et ses graphismes sont superbes. Il faut moins de 15 minutes pour se familiariser avec le système infodivertissement. Le plus bizarre étant sans doute le sélecteur de marche avant/arrière sur l’écran, mais on s’y fait, et il n’a jamais occasionné aucune erreur de manipulation durant notre essai en dépit de nombreuses manœuvres.

Combien ça coûte ?

La Tesla Model S Plaid est affichée 131 490 € en France, avec un équipement déjà complet. On pourra y ajouter les fonctions habituelles de conduite semi-autonome (entre 3 800 et 7 500 €), une des quatre peintures autres que le blanc nacré de série (entre 1 800 et 3 200 €),  et une sellerie blanche ou crème (2 400 €) si l’on n’aime pas le noir standard. Veillez à ne pas cocher le volant « yoke » (250 €), aussi rigolo en photo qu’agaçant à l’usage.

Le pack Piste quant à lui revient à 18 435 € pour la totale, mais les pneus semi-slicks apparaissent très dispensables. Contrairement aux freins carbone-céramique… qui nécessitent toutefois d’adopter les jantes 20 pouces du pack ou de passer aux 21 pouces à 4 900 € (ouille).