La Bentley « Locomotive » est la voiture de James Bond qui… n’a jamais existé

Dans Opération Tonnerre, Ian Fleming avait donné à 007 une Bentley Continental Mark II spéciale, qui n'a jamais été produite dans le monde réel. Jusqu'à ce jour...

Trinity FRANCIS
Publié le : 14 février 2025

Demandez à n’importe quel fan de James Bond en quelle voiture roule l’agent le moins secret du monde et il vous répondra une Aston Martin. Éventuellement une Lotus, ou à la limite une BMW selon l’époque à laquelle il a découvert la franchise. Pourtant, le 007 des romans de Ian Fleming avait un faible pour les Bentley. Et selon le designer Tony Hunter, il affectionnait en particulier une Continental Mk II des années 1960 surnommée « La Locomotive ».

Seul petit problème, cette voiture n’existait que dans l’imagination de Fleming. Jusqu’à maintenant.

Après avoir passé des années à étudier des alternatives crédibles à ce que Fleming décrivait dans le roman Opération Tonnerre (Thunderball) comme « la voiture la plus égoïste d’Angleterre », Hunter a conclu qu’il allait devoir donner vie lui-même à cette Bentley de papier. Il a donc trouvé une Continental R Type de 1953 comme donneuse et l’a envoyée chez un carrossier en Pologne, où elle a passé les sept années suivantes.

« Cette voiture est peut-être la plus célèbre Bentley à n’avoir jamais existé, et je m’étais toujours demandé pourquoi personne d’autre n’avait tenté de construire quelque chose de ce genre, raconte Hunter. J’ai vite compris. » Ce qui devait être un projet sur 18 mois s’est éternisé jusqu’à ce que le rêve soit réalisé. Mais ces sept ans ne sont rien à côté des décennies que Hunter a consacrées à imaginer, dessiner et prospecter pour La Locomotive.

Loin des rondeurs des Continental d’après-guerre, Fleming décrit la poupe de la Mk II comme « taillée à la serpe » et « assez laide ». Hunter a donc pris quelques libertés avec l’oeuvre et a dessiné à la Bentley de jolis pontons profilés. L’idée était de créer quelque chose qui aurait parfaitement pu être produit dans les années 1950 sans dénaturer la base.

La Locomotive n’est évidemment pas n’importe quelle Bentley. Hunter s’est assuré qu’elle soit dotée de tous les boutons liés aux gadgets bondiens. Chaque détail a été soupesé pour son authenticité et son toucher. Le téléphone d’époque, fonctionnel, provient d’un bombardier de la RAF. Il est branché on ne sait trop comment à un iPhone en-dessous. Les poussoirs pour les mitraillettes, les réservoirs d’huile et les machines à fumée sont identifiés par une typo Gill Sans parfaitement raccord, et la grille du haut-parleur côté passager dissimule un compartiment secret. Cerise sur le pudding, un tiroir abritant le kit de secours de James : une flasque, un gobelet et des pilules de benzédrine.

Le but était aussi de recréer une atmosphère de club anglais grâce à de larges fauteuils et une planche de bord en ronce de noyer. Au fil de la carrière de Hunter, les sièges en cuir matelassé à surpiqûres en diamants ont toujours été sa signature. Il a donc préféré ce motif au cuir cannelé d’époque (« fluted leather » en VO) : « les flûtes, c’est bien, mais les diamants sont éternels », plaisante-t-il pour se justifier.

À chaque étape du projet, il a consulté Bond comme s’il était client chez Mulliner. Les ouïes qui ornent le capot sont par exemple un hommage à la précédente monture de l’espion, une Bentley Blower. « J’ai aussi imaginé Bond conduire cette voiture à travers le Royaume-Uni puis le continent et devoir faire le plein en tirant le tuyau par dessus la carrosserie, dit-il. D’où les deux bouchons de réservoir », explique Hunter.

Si le style était évidemment une priorité, Hunter a aussi soigné ce qui ne se voit pas. « Il était important pour moi de retranscrire l’expérience de conduite, l’excitation, les sensations et les sons de ce que j’imagine que cette voiture aurait été. » Elle est animée par un 6 cylindres en ligne 4,9 l de Bentley S1 complètement restauré et couplé à une boîte mécanique. Un compresseur devrait bientôt venir revigorer l’ensemble.

Et tandis que beaucoup conserveraient jalousement l’oeuvre d’une vie à l’abri dans un box, Hunter compte bien là aussi s’inspirer de Bond et utiliser sa voiture comme il se doit. « Les voitures existent parce qu’elles sont un moyen de vivre une aventure, de vous aider à apprécier le monde, à voir des choses et à aller quelque part. C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis devenu designer automobile : j’aime conduire. J’aime quand une voiture a été utilisée et qu’elle est dans son jus. Mon intention est d’utiliser La Locomotive, et je ne vais pas la ménager. »

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