Renault R5 Turbo 3E

Une drifteuse électrique qui prouve que les petites sportives ont encore un avenir...

Ollie MARRIAGE
Publié le : 7 avril 2023

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« La R5 Turbo 3E est plus amusante que n’importe quelle autre électrique qu’il m’ait été donné de conduire »

Wow, ces ailes sont LARGES !

Elles sont incroyables, non ? Comme la voiture qu’il y a au milieu. Les concept cars capables de drifter aussi joyeusement, ça ne court pas les rues. Mais revenons d’abord à ces ailes XXL. Elles sont la signature visuelle de la R5 Turbo 3E, comme sur la Turbo originelle. Et elles donnent à cette… disons, hyper-GTI, plus de charisme qu’une supercar.

Pourquoi la R5 Turbo, la vraie, avait-elle les hanches si saillantes, d’ailleurs ?

C’est la Lancia Stratos qu’il faut remercier pour ça. C’est elle qui a dominé le rallye au milieu des années 1970, détrônant l’Alpine A110. C’était une berlinette à moteur central arrière, propulsion, conçue spécialement pour la course et dessinée par Bertone. Alors Renault, en quête de revanche, s’est adressé au designer italien, qui lui a suggéré – après avoir un peu trop forcé sur le Lambrusco ? – de prendre une R5 et de la mettre le moteur derrière. Pour cela, il fallait des voie larges, et des prises d’air pour le refroidissement. On connaît la suite.

Et maintenant ?

Avec l’annonce en 2021 d’un remake électrique de la Renault 5, ce n’était qu’une question de temps avant que les designers ne ressuscitent la Turbo. Il ne s’agit que d’un concept car, certes, mais il roule. Et pas juste au ralenti entre un semi-remorque et un stand de la porte de Versailles, attention.

Regardez l’arrière. Sous cet aileron monumental, derrière le diffuseur et entre les ailes plus pleines que les joues d’un hamster se trouvent deux moteurs électriques développant un total de 380 ch.

N’allez pas croire que c’est une simple Zoe e-Sport rhabillée. La R5 Turbo 3E repose sur un châssis tubulaire aux normes FIA, et a droit à une batterie 42 kWh inédite car rien au catalogue Renault « ne pouvait sortir toute la puissance que nous voulions », explique Sandeep Bhambra, designer en chef des concept cars chez Renault. Le Projet R5 Turbo 3E a pris vie très rapidement : de la première esquisse au show car roulant, il n’a fallu que huit mois à une équipe d’une vingtaine de personnes.

Mais elle sert à quoi, cette R5 Turbo 3E ?

Avec un peu de chance, nous donner un avant-goût des futures sportives Renault et Alpine.

Non, je voulais parler de sa vocation, en tant que véhicule, à l’instant t.

Ah. C’est simple : le drift. Chacun des deux moteurs entraîne une roue arrière. Il y a un mode « Donut » et un frein à main hydraulique, tandis que l’angle de braquage peut dépasser les 50°. Le seul problème, c’est que c’est un exemplaire unique et que Renault, on peut les comprendre, ne veut pas me laisser jouer avec. Alors pour m’éviter de me laisser aller, ils m’ont collé un chaperon : môssieur Yvan Muller, quadruple champion du monde WTCC et dix fois vainqueur du Trophée Andros (entre autres). Qui sait très bien dire non.

Zut. Même sans drifter, ça donne quoi ?

En général, les concept cars roulants sont des voitures qui craquent et grincent de partout, mais celui-ci semble extrêmement abouti et civilisé, si l’on excepte le sifflement puissant et suraigu des moteurs électriques,. La R5 Turbo 3E n’est pas extraordinairement rapide en ligne droite. Elle pèse toute de même 1 500 kg, soit un rapport poids/puissance comparable à celui d’une Audi RS3. Malgré un 0 à 100 km/h annoncé en 3,5 s, on n’a pas l’impression de quelque chose de si violent, et la linéarité des accélérations n’aide pas.

Cela n’empêche pas la 3E d’être plus amusante que n’importe quelle autre électrique qu’il m’ait été donné de conduire. La direction est directe, lourde et précise, on est directement connecté au train avant et on sent dès l’inscription combien l’empattement est court, et le train arrière joueur. Il ne demande qu’à partir.

Et il part ?

Il se trouve qu’Yvan est très persuasif et ne rechigne pas à utiliser la force physique. Donc non. Mais même en roulant propre et pas trop fort pour éviter qu’il me fasse les gros yeux, la voiture est agile et réactive, presque aussi exubérante que son apparence.

Ensuite, j’ai passé le volant à Yvan. La plupart des pilotes de course ne sont pas des drifteurs-nés mais quand on a gagné dix fois le Trophée Andros, on est relativement habitué à regarder la piste par la vitre latérale. Et Yvan ne s’en est pas privé.

La R5 Turbo 3E offre beaucoup de grip sur ses Michelin Pilot Sport 4S, donc il faut y aller franchement pour la déverrouiller, mais c’est justement le rôle de frein à main hydraulique : un petit coup et hop ! L’arrière veut passer devant. Yvan ne chôme pas au volant. L’empattement court rend la glisse délicate à entretenir au volant et à l’accélérateur, mais la Turbo 3E remplit parfaitement sa mission.

Oui, ça a l’air rigolo.

Et pas seulement pour le pilote. Les designers aussi se sont fait plaisir. Il y a a des GoPro dans les orbites des phares et en guise de rétroviseurs, les lumières dansent et clignotent sur la barre de LED. « L’idée était qu’elles restent fixes pendant le drift, mais on n’a pas encore eu le temps de travailler là-dessus, explique Bhambra. « Quant à l’aileron, il provient d’une GT3. Nous ne l’avons pas fait passer en soufflerie, mais je doute qu’il fasse grand-chose. »

Le cockpit est extrêmement étriqué, et le baquet monté si haut qu’on est plus ou moins recroquevillé autour du volant. Des écrans numériques carrés et pixelisés façon jeu vidéo des années 1980 évoquent la planche de bord psychédélique de la Turbo originelle. Un bouton au sommet du frein à main vaporise de l’eau sur les roues arrière, ce qui permet à la fois de casser l’adhérence, et une fois que c’est fait, de refroidir les pneus. Et puis il y a l’ours en peluche.

Pardon ?

Oui, il y a un ours en peluche sanglé sur le tunnel de transmission. « Nous avions besoin d’un peu de rembourrage contre la structure pour éviter que vous vous cogniez les jambes, explique Bhambra. Nous avons placé des coussins spéciaux sur les côtés. Mais quand nous avons réfléchi à ce qui correspondait en taille, en forme et en épaisseur, nous avons pensé à un ours en peluche. Il vient d’un magasin d’occasion. »

Parfait pour le soutien émotionnel après un drift raté… Plus sérieusement, quelles seront les suites de cette R5 Turbo 3E ?

Luca de Meo, PDG de Renault, a mis la FIA au défi de changer les règles du rallye pour engager la R5 Turbo 3E en course. Ce serait génial, mais ça n’arrivera jamais. Comme d’autres pistardes électriques – on pense aux Ford Mach-E 1400 et Supervan –, elle fera sans doute quelques apparitions dans des festivals et des courses de côte. Avec un peu de chance, Yvan l’emmènera peut-être faire un tour sur la glace, mais ça s’arrêtera là.

D’accord. Je reformule : est-ce que la R5 Turbo 3E veut dire quelque chose pour le futur de Renault Sp… pardon, Alpine ?

Vous faites bien de faire la distinction maintenant que Renault Sport s’est dissous dans Alpine. Un alter ego Alpine de l’imminente R5 est au menu, on le sait. On espère tous qu’elle ressemblera à ça et qu’elle sera aussi performante mais rappelez-vous le concept Twin’Run et son V6 turbo de Nissan GT-R, qui avaient débouché en série sur une lénifiante Twingo GT de 110 ch… La Turbo 3E laisse au moins penser que Renault imagine bien un futur pour citadines sportives à l’ère électrique. Et rien que pour ça, on peut leur être reconnaissant.

En savoir plus à ce sujet :

Renault R5 Turbo 3E

Année
2022
Type de moteur
Électrique
Longueur
4006 mm
Largeur
2020 mm
Hauteur
1320 mm
Poids
1500 kg
Boîte de vitesses
automatique
Nombre de rapports
1
Transmission
propulsion
Puissance
380 ch
Couple
700 Nm
0 à 100 km/h
3,5 s.
Vitesse max
200 km/h
Capacité
42

Electrique 1

Type
Électrique
Position
AR
Puissance
190 ch
Couple
350 Nm

Electrique 2

Type
Électrique
Position
AR
Puissance
190 ch
Couple
350 Nm