Toyota Supra

Enfin au volant de la cinquième génération de la légende nippone

Ollie MARRIAGE • Niels de GEYER
Publié le : 14 mai 2019

8 10
Peut-être pas une pure Toyota, mais un coupé polyvalent et extrêmement talentueux.

Qu’est-ce que c’est ?

Une voiture qui était en gestation depuis sept ans. Dont le nom avait disparu du catalogue depuis dix-sept ans. Pourtant, il résonne encore. Supra. La confirmation de son retour a eu lieu au salon de Detroit 2014 avec le concept FT-1. Depuis, elle a beaucoup fait parler, notamment en tant que fruit d’un partenariat entre Toyota et BMW.

La Supra partage en effet sa plate-forme, ses trains roulants, son moteur, sa boîte de vitesses et une bonne partie de son intérieur avec la dernière BMW Z4. Un exemple parmi d’autres de synergie nouée par Toyota pour s’y retrouver financièrement (comme les GT86/Subaru BRZ, ou Aygo/Citroën C1/Peugeot 108).

Mais cette association-là est différente, parce que c’est la Supra. Pas un quelconque pot de yaourt ou un petit coupé fraîchement débarqué dans la gamme. Le nom Supra a une histoire, et pas des moindres ; un héritage qui la place au firmament de la culture automobile japonaise, au côté de la Honda NSX et la Nissan GT-R.

« La Supra est une vieille amie qui tient une place tout particulière dans mon cœur », avait confié Akio Toyoda, PDG de Toyota. Cela n’a pas empêché le plus grand constructeur du monde (on ne va pas chipoter), au lieu de partir d’une feuille blanche, de récupérer une bonne partie des organes d’un roadster allemand sans grande consistance, et de la fabriquer en Autriche.

Bien sûr, Toyota ne présente pas les choses de cette façon. Voici le pitch : l’histoire de la Supra est indissociable du six-cylindres en ligne, et le nouveau modèle se devait de faire appel à cette architecture. Mais celle-ci n’est plus usitée dans le groupe et, selon l’ingénieur en chef Tetsuya Tada, produire un tel moteur aurait nécessité non seulement de le concevoir de A à Z, mais de construire une nouvelle usine. Pas viable. Toyota avait donc besoin d’un partenaire et forcément, quand on parle de six-cylindres en ligne…

Les équipes Toyota et BMW ont ensuite travaillé de concert pour développer leurs idées sur un prototype commun, basé sur une Série 2 Coupé à empattement raccourci. Conduite par les grands patrons de chez BMW puis expédiée au Japon pour passer entre les mains de leurs confrères de chez Toyota, la voiture a reçu le feu vert. Les deux équipes se sont alors séparées pour partir développer leur voiture chacune de leur côté. Tetsuya Tada n’a ainsi conduit le Z4 qu’à l’orée de sa mise en production.

Voilà pour le contexte. La Supra est plus jolie que le Z4, aucun doute là-dessus. Elle est bien proportionnée, voluptueuse, on sait exactement où se trouvent le moteur et les roues motrices. Mais approchez-vous un peu. Vous voyez les ouïes sur le capot, les portières, ou sous les phares et les feux arrière ? Elles sont factices. Toutes, sans exception.

Sous le capot, on trouve le six-cylindres en ligne BMW B58 3.0 monoturbo, revu par Toyota mais donné pour les mêmes chiffres (340 ch et 500 Nm) que sur le Z4 M40i. Tout ceci est transmis aux roues arrière via une boîte automatique à huit rapports. Le 0 à 100 km/h prend 4,3 s, la vitesse de pointe est bridée à 250 km/h. Seulement deux places, avec un hayon derrière. La structure est plus rigide que celle d’une Lexus LFA, la répartition des masses est de 50 :50. Si l’on fait abstraction de la polémique BMW, il faut bien avouer que sur le papier, il y a de quoi avoir l’eau à la bouche. En France, les tarifs commencent à 65 900 €.

Sur la route

À conduire, la Supra est une petite merveille. C’est bon, vous pouvez respirer… Elle est précise, réactive, engageante, rapide. Elle met immédiatement en confiance. Si vous envisagez une Porsche 718 Cayman, vous feriez bien de prendre le volant d’une Supra avant de signer le chèque. La BMW Z4 ne joue pas vraiment dans la même cour. Elle est davantage portée sur le cruising – c’est plus une question d’image que de châssis, certes – et on ne peut pas dire qu’elle soit particulièrement agréable à regarder. Exigence de Toyota, l’empattement court ne réussit pas à la silhouette de la BMW.

Le plus impressionnant est d’ailleurs peut-être le fait que Toyota ait réussi, à partir des organes du Z4, à concocter une vraie voiture de sport. Tout n’est cependant pas parfait. D’abord, la boîte manque un peu de répondant malgré sa bonne volonté. Les rétrogradages aux palettes peuvent ainsi se faire attendre une fraction de seconde.

Idem pour le moteur : il déborde de punch à mi-régime, mais il n’y a aucune plus-value à s’aventurer au-delà des 5 500 tr/min. Les freins (à disque ventilé mais plein, et sans option céramique) finissent par faiblir, et pourraient être plus francs sous le pied.

Le bilan global reste cependant très positif : on fait corps avec cette voiture. Les roues avant vont exactement où on leur dit d’aller, et le train arrière est communicatif et bien tenu. Ce qui signifie que la Supra est aussi à l’aise en entrée qu’en sortie de virage. La direction est remarquable : bien calibrée, réactive, en tout cas en mode Sport . Elle est trop légère en Normal. L’inscription est nette et sans bavures, le roulis très bien contenu, et la sensation d’agilité telle qu’on croirait presque disposer de roues arrière directrices (les vertus d’un empattement de seulement 2,47 m).

La Supra reste docile quel que soit le style de conduite. Vous pouvez choisir de freiner tard en vous jetant dans la corde, ou entrer tranquillement avant de souder en sortie. Dans les deux cas, elle reste docile et imperturbable. Pas d’accès brutaux de sur- ou de sous-virage, ne serait-ce que parce que les remontées d’informations sont suffisantes pour vous permettre de toujours dominer la situation. Si l’envie vous prend, disons… d’explorer toute l’enveloppe de performance, vous serez heureux d’apprendre qu’elle se cale en survirage à la demande, avec suffisamment de gouache pour l’entretenir en troisième, et une direction suffisamment directe pour se sortir sans trop de chaleurs de la plupart des excès d’optimisme.

En ce qui concerne les choses plus sérieuses, on note une suspension étonnamment conciliante. Vu le tranchant de la Supra, on se serait attendu à plus sec, mais elle avale tout calmement, assez indifférente au relief et à la qualité du revêtement. Chaque roue est très bien contrôlée, et les bruits de roulement ne sont pas un problème. On imagine volontiers voyager loin à son bord. Elle est assurément plus silencieuse qu’une Porsche Cayman et plus sereine qu’une BMW M2 Competition, quoique moins adroite qu’une Alpine A110.

Ce qui nous amène à la masse. La Supra n’est évidemment pas aussi légère que l’Alpine, mais elle est plus alerte que les 1 495 kg de la fiche technique le laisseraient supposer. Au volant, je lui aurais bien donné un quintal de moins. Et avant que vous demandiez, elle pèse 115 kg de moins qu’un Z4 M40i.

Débarrassons-nous d’ailleurs de cette comparaison : prise individuellement, sans mettre les pieds dans le plat, la Supra est formidable à conduire dans l’absolu. Je l’ai immensément appréciée, et c’est à contrecœur que j’ai rendu les clefs. Mais elle ne peut dissimuler ses gènes BMW. C’est le moteur qui la trahit. Toyota a beau insister sur la cartographie revue, la bande-son, les sensations, l’interaction mécanique sont typiquement BMW. Il suffit souvent d’un moteur pour tomber amoureux d’une voiture et les six-en-ligne japonais ont une réputation à tenir, surtout quand il s’agit de succéder au légendaire 2JZ de la précédente Supra.

Si vous n’avez jamais conduit de BMW turbo récente – ou réciproquement quelque chose de japonais avec un six-en-ligne – vous savourerez ce moteur pour ce qu’il est, et vous l’apprécierez (d’autant que les perfs sont tout sauf ridicules). Mais si vous vous intéressez à son pedigree ou si vous avez déjà pris le volant d’une 335i, alors ça risque de vous faire tout drôle.

Cette genèse mouvementée a fait une autre victime : le charisme. Les voitures exceptionnelles le sont souvent parce qu’elles ont leurs petits défauts, ou parce qu’elles sont uniques. La Supra ne semble pas très à l’aise avec son identité, hésitant entre l’Allemagne et le Japon. Cela ne l’empêche pas d’être une remarquable voiture de sport.

À bord

Si l’on peut comprendre le moteur BMW, il est difficile de pardonner l’intérieur. Car à bord, la Supra est une BMW, ni plus ni moins. Certains diront que c’est une bonne nouvelle pour la qualité perçue et, encore une fois, si vous n’avez pas de point de comparaison chez BMW, ça ne vous posera aucun problème. Mais tout de même, on a là Toyota, le plus gros constructeur de la planète, qui farcit sa voiture la plus emblématique de commodos BMW. C’est tout simplement étrange.

Bien sûr, il y a une raison. Le moteur vient avec toute une électronique. Ce qui veut dire que vous avez besoin du système iDrive. Donc des écrans. Donc des menus avec leurs graphismes et leurs polices de caractères, sauf si vous êtes prêt à dépenser des millions.

Toyota a étudié la question, et a reprogrammé toutes les alertes de sécurité de la Supra. Rien que cela a nécessité 20 000 lignes de code. On n’imagine pas à quel point les plate-formes automobiles actuelles sont complexes… Le compte-tours vient de chez Toyota, le volant certainement pas. Ni la platine de climatisation, les ports USB, le sélecteur de boîte, les poignées de porte, etc.

Oublions l’influence BMW : la position de conduite est excellente. On est assis bas, parfaitement maintenu par les sièges standards (et leurs coussins latéraux ajustables). La visibilité arrière est catastrophique, mais c’est correct dans les autres directions. Il y a bien assez de place pour deux personnes à bord, et le coffre est beaucoup plus généreux que les 290 litres théoriques le suggèrent.

Le système infotainment est intuitif (plus que s’il était signé Toyota) et l’équipement de série est exhaustif, incluant une caméra de recul, des sièges Alcantara électriques, chauffants et ventilés, un éclairage LED adaptatif, une suspension pilotée, un différentiel actif, un régulateur adaptatif. 99 % des clients cocheront sans doute le pack Premium à 2 000 €. Retenez-vous : les sièges en cuir sont moins bien que ceux de base en Alcantara, et l’affichage tête haute est plus une distraction qu’autre chose.

Budget

Accordez-vous de l’importance à l’image de marque ? Si oui, la Supra est un curieux cas d’école. D’habitude, un label BMW est une bénédiction pour la cote d’une auto. Là, je ne suis pas sûr que ce soit le cas. Toyota a prouvé par le passé être capable de construire ses propres voitures de sport et il n’est pas certain qu’à long terme, celle-ci sera vue avec autant de bienveillance.

Elle est chère, oui. Mais une Alpine A110 aussi, et un Cayman S encore bien davantage une fois optionné pour rattraper l’équipement de la Supra. La différence avec un Z4 M40i (à partir de 67 550 euros) est également substantielle une fois l’équipement mis à niveau. Et la Supra sera bien plus rare que sa cousine.

Elle est plutôt sobre. Sur un essai de presque 500 km, comprenant une session sur circuit, nous avons terminé à 10,3 l/100 km. En cruising sur l’autoroute (1 700 tr/min à 110 km/h), elle est descendue à 8,3 l. Ajoutons à cela qu’elle est silencieuse et confortable.

Vous verriez-vous à son volant ? Je veux dire, plus qu’à celui d’une Alpine A110, d’une Porsche Cayman ou d’une BMW M2 ? Avant de l’avoir conduite, j’aurais répondu non. Mais son comportement et ses performances la mettent indiscutablement sur les rangs.

Verdict

Toyota fait une meilleure BMW que BMW. Il est impossible de passer sous silence les entrailles de la nouvelle Supra, ne serait-ce que parce qu’elle vous les brandit sous le nez dès l’instant où vous vous installez au volant… Il n’en reste pas moins que Toyota a vraiment accouché d’une voiture extrêmement talentueuse.

C’est comme si leurs ingénieurs avaient été piqués au vif lorsqu’on leur a déposé les caisses de composants BMW sur le pas de la porte… Ce n’est peut-être pas la voiture la plus charismatique du genre (comment lui en vouloir avec un pedigree aussi confus ?), mais elle sait se débrouiller sur une petite route à virages. Ou un circuit. Ou une autoroute.

Voilà un coupé on ne peut plus polyvalent. Suffisamment accueillant à bord, bien équipé, joli, véloce et accommodant. Un superbe travail d’ingénierie. Une voiture que vous aimerez conduire sur n’importe quel terrain, et qui propose certainement le meilleur compromis de sa catégorie entre grand tourisme et sportivité.

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