Alfa Romeo 33 Stradale

Sublime, mais rarissime et hors de prix. Mais sublime !

Jack RIX
Publié le : 1 mai 2025

8 10
Les plus Ligne à tomber, habitacle au diapason, conduite passionnante
Les moins Rapport prix/performances/sensations discutable

Wow, qu’est-ce que c’est que cette merveille ?

La nouvelle Alfa Romeo 33 Stradale, une réinteprétation de ce qui reste peut-être la plus belle voiture de l’histoire de la marque (donc du monde). La 33 Stradale originelle des années 1960, dessinée par Franco Scaglione, était une version routière de la Tipo 33 de course. Scaglione a beau avoir sur son CV des bijoux comme les Alfa BAT ou la Lamborghini 350 GTV, la 33 est assurément sa Joconde, produite à seulement 18 exemplaires.

Plus près de nous, on garde un souvenir ému de la magnifique 8C, un peu moins ému de la 4C, mais la 33 Stradale reste la seule vraie supercar à moteur central arrière à avoir figuré au catalogue de la marque. Autant dire que sa résurrection a de quoi faire rêver.

Ils vont en fabriquer un peu plus, cette fois ?

Oui, mais elle va tout de même rester rarissime puisque Alfa Romeo n’en fera que 33. Au lancement, ils avaient proposé le choix entre un V6 biturbo (celle que l’on a conduite) et une version électrique. Toutefois, devant la quasi-absence de demande, cette dernière va passer à la trappe, comme la Maserati MC20 Folgore. Décidément, le marché des voitures de sport électriques ne semble pas près de décoller…

Chaque exemplaire pourra évidemment être personnalisé de fond en comble. Alfa considère chacune de ces 33 comme une pièce unique. Toutes seront produites par le carrossier Touring Superleggera, de quoi augmenter encore un peu son coefficient de coolitude.

Comment avez-vous déjà pu mettre la main sur l’une d’entre elles ?

Excellente question. La voiture que nous avons là est le prototype de développement. Le châssis zéro, si vous voulez : une voiture quasiment identique au modèle de production, mais pas tout à fait aussi bien finie que les 33 qui seront vendues. C’est celle qu’ils vont continuer à mettre à jour, et conserver ensuite pour toujours. Nous l’avons eue pour nous toute une journée, au centre d’essai Alfa de Balocco, sous un grand soleil. Encore une dure journée de travail, tout ça tout ça.

N’est-ce pas juste une Maserati MC20 dans une nouvelle robe ?

Oui et non. Les deux voitures sont fortement apparentées puisqu’elles partagent la même monocoque carbone (en tout cas pour la moitié inférieure) et les mêmes berceaux en aluminium de part et d’autre. Leurs V6 3 l biturbo sont également très proches mais celui de l’Alfa se passe de la préchambre de combustion étrennée sur la Maserati.

Par ailleurs, la suspension multibras de la 33 est spécifique, associé à des amortisseurs adaptatifs au calibrage inspiré de la Giulia GTAm. Sinon, tout le design extérieur et intérieur est passionnément Alfa. La relative simplicité mécanique et l’utilisation d’organes éprouvés était une exigence du cahier des charges. L’idée n’était pas d’aller défier des monstres technologiques comme la Valkyrie ou l’AMG One, mais de se concentrer sur ce qu’Alfa sait faire de mieux : le style, l’émotion, faire vibrer la corde nostalgique, invoquer la légende de la marque.

Vous auriez quelques chiffres, tout de même ?

Le V6 biturbo développe 630 ch, comme sur la MC20, là aussi aux seules roues arrière via une boîte double embrayage à huit rapports. La vitesse de pointe est annoncée un poil plus élevée à 333 km/h (333, vous l’avez ?), tandis que le 0 à 100 km/h est expédié en 3 s tout rond. Mais tout ceci semble bien anecdotique rapporté au prix : 2 millions d’euros minimum (désolé, elles sont déjà toutes vendues), soit grosso modo l’équivalent de… huit Maserati MC20.

Et les performances sont à la hauteur du tarif ?

La 33 Stradale ne lambine pas, c’est certain. Toutefois, je crains que mon gyroscope interne ait été irrémédiablement détraqué par des hypercars d’un milllion de chevaux et des électriques qui vous retendent la peau du visage, car je la décrirais plutôt comme « agréablement véloce » que comme brutale ou stupéfiante. Et vous savez quoi ? Tant mieux : voilà au moins une auto dont on peut explorer encore un peu de la course de l’accélérateur, sur route ou sur circuit.

Le V6 a le même caractère contagieux que sur la MC20 : un lag à peine perceptible, un plateau de couple interminable et une bande-son mêlant un râle guttural sur les gaz aux sifflements des turbos. C’est riche, c’est gratifiant mais, comme sur la Ferrari F80, on peut se demander si c’est assez grisant vu le tarif.

Dans la MC20, c’est parfaitement raccord mais là, on en attend plus, surtout quand on se rappelle la mélodie orgasmique du V8 atmo d’une 8C beaucoup moins chère à l’époque. La boîte est douce en mode Strada et donne un petit coup dans les reins en Pista, tandis que les freins carbone-céramique demandent une pression franche mais offrent un ressenti décent même à froid. Pas de quoi se plaindre.

En bref, le groupe motorpopulseur est plaisant, performant et tout à fait à sa place sur une Alfa au sang chaud. Le hic, c’est qu’on est ici dans les prix d’une GMA T.50, dont le pedigree mécanique n’a rien à voir.

Et le châssis ?

Quand il n’était pas occupé à piloter une F1 ou à produire du LOL sur les réseaux sociaux, Valtteri Bottas a fait partie de l’équipe de développement de la Stradale, et s’en est réservé un exemplaire. La direction est plus lourde que je m’y attendais mais suffisamment bavarde, et elle est bien assortie au côté un peu rugueux du moteur. Je suis heureux de pouvoir confirmer qu’il n’y a en revanche rien de rugueux dans le comportement de la 33 Stradale sur la route. Nous avions adoré sur la MC20 ce flegme, cette légèreté et ce roulis juste assez présent pour que l’on sente vivre la voiture.

La 33 est largement assez affûtée pour la piste, mais pourquoi s’y risquer ? C’est sur une petite route viroleuse qu’elle donne le meilleur d’elle-même, à coups d’élégantes virgules en sortie d’épingle et de gros couple dans les lignes droites, avec le V8 qui souffle derrière vos épaules. C’est une joyeuse façon de voyager, qui mérite une utilisation régulière. Mais le clou du spectacle est visuel.

Vous la classeriez parmi les plus belles Alfa de l’histoire ?

Cette voiture n’est pas « simplement » magnifique, elle est singulière. Les clins d’oeil à la 33 originelle sont partout, forcément : les optiques galbées (abritant 33 « cils » de LED), la découpe des portières dans le toit qui crée un X en carbone vue de dessus. L’ouverture de ces dernières en double élytre en met plein la vue, tout comme les jantes forgées et laminées couleur or. Les prises d’air à l’arrière des portières, les extracteurs sur lesquels s’achèvent les ailes et les feux arrière ronds sont directement calqués sur le dessin de l’ancienne 33. La nouvelle fait référence au passé, mais sans s’y cramponner désespérément.

L’intérieur arrive-t-il à rivaliser ?

Mieux que ça : c’est la partie la plus réussie. Cet habitacle est infiniment plus flatteur que celui, un peu spartiate et plastoc, de la MC20. Ici, la 33 fait son prix parce qu’elle privilégie la sensualité à la technologie, une philosophie qui nous semble d’autant plus saine par les temps qui courent. Notez le volant trois branches mêlant aluminimum et cuir sans le moindre bouton, les aérateurs dissimulés dans la planche de bord pivotante, le cuir nervuré et les touches d’alu usiné un peu partout.

Le parti-pris analogique se traduit par une pléthore de boutons, leviers et autres basculeurs jusque sur le plafonnier, d’où un petit côté Top Gun pas désagréable. Sur la console centrale, l’un est entièrement dédié à décrocher votre téléphone. Actionnez-en un autre et un écran émerge de derrière la planche de bord, et peut y retourner une fois que vous avez réglé la navigation, la clim et la musique à votre goût. Un bouton Quadrifoglio permet d’ouvrir en grand les clapets d’échappement en mode Strada, et d’activer le launch control en Pista.

La découpe des portières procure une luminosité et une sensation d’espace délicieuses. La glace arrière en polycarbonate rend hommage aux racines de la 33 en compétition et expose un joli badge Alfa à défaut d’en laisser voir davantage.

Il y a deux configurations de base au menu : Tributo, avec son cuir fauve, est celle qu’il faut choisir car Corse, avec son cocktail de carbone et d’Alcantara, flirte dangereusement avec une ambiance Ferrari. Mais si votre portefeuille est suffisamment épais, alors tout est possible.

Et donc, bilan ?

Soyons francs, c’est une supercar Alfa Romeo à moteur central arrière, rouge rubis, et on en mangerait. Mais une fois qu’on a dit ça, c’est une voiture à 2 millions d’euros, limitée à 33 exemplaires, donc hors de portée de 99,9 % des alfistes et d’autant plus difficile à conduire dans la vraie vie comme elle le mériterait.

La vérité, c’est qu’il est plus simple de nos jours pour une marque comme Alfa Romeo, qui n’a pas le carnet d’adresses d’un Porsche, d’un Ferrari ou d’un Lamborghini, de vendre une poignée de ces voitures à quelques VIP qu’une quantité normale, à un prix normal, à des clients « seulement » très riches. Ne crachons toutefois pas dans la soupe : on n’en verra pas à tous les coins de rue, mais le monde ne peut se porter que mieux avec une nouvelle supercar Alfa.

En savoir plus à ce sujet :

Alfa Romeo 33 Stradale

Année
2025
Prix mini
2000000 €
Type de moteur
Thermique
Longueur
464 mm
Largeur
197 mm
Hauteur
123 mm
Poids
env. 1 500 kg
Boîte de vitesses
double embrayage
Nombre de rapports
8
Transmission
propulsion
Puissance
630 ch
Couple
730 Nm
0 à 100 km/h
3 s.
Vitesse max
333 km/h