Mercedes-AMG One

L'hypercar à moteur de F1 hybride est enfin là. Embarquez avec Chris Harris pour un premier essai de l'AMG One aussi mouvementé que sa genèse... et n'oubliez pas vos boules Quies !

Chris Harris
Publié le : 29 août 2022

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On se souviendra de cette voiture comme d’un projet complètement fou, mais aussi comme d’une machine fascinante à tous points de vue

Les plus Ils l'ont fait ! AMG a finalement réussi à mettre un moteur de F1 dans une voiture de route. Ah, et le cockpit est vraiment très bien présenté.
Les moins Les gros bugs pendant notre essai, la position de conduite bizarre avec un siège au maintien insuffisant, et le niveau sonore éprouvant pour une voiture "routière".

Qu'est-ce que c'est ?

Qu’est-ce que c’est ?

La Mercedes-AMG One est d’abord et avant tout une hypercar hybride. Une vitrine technologique de 1 063 ch, la démonstration de ce dont est capable Mercedes quand il met sa matière grise collective – et un paquet d’euros – au service d’une tâche impossible. Comme intégrer le moteur de la Formule 1 championne du monde 2016 dans une voiture homologuée pour la route. Et la vendre à des gens qui n’ont pas le coup de volant de Lewis Hamilton ou George Russell.

La gestation de cette voiture a été… compliquée. Une présentation en 2017, pour des premières livraisons prévues en 2019. Ou 2020… Ah non, pandémie. Entre la pénurie de composants et la fin de la domination Mercedes en F1 en 2022, la One, construite en Angleterre, n’était toujours pas prête. Entre-temps, le patron d’AMG Tobias Moers est parti prendre les rênes d’Aston Martin en 2020 (avant de claquer la porte début 2022, mais c’est une autre histoire).

Cette fois, on y est. La One est entrée en production, et c’est à l’automne (2022, si, si) que les premiers des 275 propriétaires recevront les clés de leur joujou à 2,3 millions d’euros hors taxe. Les livraisons devraient s’étaler jusqu’à décembre 2023.

Comment ça marche ?

Un petit interlude technique pour vous rappeler à quel point cette voiture est complexe. Son cœur est un V6 1.6 turbo de 574 ch, soit un rendement spécifique déjà hallucinant de 359 ch/l . Un moteur électrique de 122 ch est intégré au turbo, permettant à ce dernier de monter en régime bien plus vite que s’il fallait compter sur la seule pression à l’échappement. C’est ce qu’on appelle en F1 le MGU-H, qui réduit le temps de réponse.

Derrière le V6, on trouve un plus gros moteur électrique de 163 ch relié au vilebrequin ((le MGU-K, en F1), tandis que chacune des roues avant est entraînée par un autre moteur électrique de 163 ch. Puissance cumulée de l’ensemble : 1 063 ch. AMG n’a pas souhaité publier de valeur de couple « en raison de la complexité de la chaîne cinématique ». Étant donné que ce sont les électrons qui font la moitié du boulot, d’après nos calculs, on devrait arriver à « beaucoup ».

La structure est en fibre de carbone, de même que la carrosserie. La transmission est proche de celle des F1 et fabriquée par X-Trac. La suspension est un ensemble à poussoirs ultrasophistiqué, et la voiture dispose de généreux radiateurs pour préchauffer ses catalyseurs avant le démarrage.

Elle va vite, je suppose ?

Mercedes annonce un 0 à 100 km/h en 2,9 s, un 0 à 200 km/h en 7 s et 352 km/h. Dans l’absolu, c’est explosif, mais une McLaren 765LT fait aussi bien.

Cela dit, la McLaren donne parfois la désagréable impression d’être trop véloce, et les performances chiffrées ne veulent plus dire grand-chose à une époque où une compacte sportive peut humilier à peu près n’importe quelle supercar des années 2000 en drag race.

D’ailleurs, la plupart des hypercars à 2 millions d’euros et plus se feront démolir en reprises par une moto à 40 000 €. Mais il est vrai que les 1 685 kg de la One la mettent à la portée de nombre de voitures moins chères, à commencer par la balistique Ferrari SF90.

Où l’avez-vous conduite ?

Pas sur la route, Mercedes ne veut pas pour l’instant. Nous avons donc dû nous contenter de tourner sur le Nürburgring F1. Beaucoup moins qu’on l’aurait souhaité, à vrai dire. Donc ce sera surtout de premières impressions. Mais ne vous inquiétez pas, il y aura bien assez à raconter…

Au volant

À conduire, c’est comment ?

Nous sommes sur le Nürburgring GP, où les ingénieurs de la One sont toujours aussi amicaux mais ont quand même l’air un peu nerveux. On commence par une petite session d’échauffement pour se familiariser avec le circuit, derrière une GT Black Series conduite par Bernd Schneider, légende du DTM et ambassadeur AMG. Il nous prévient qu’il va lui falloir un peu de temps pour chauffer ses pneus. Et s’élance d’emblée à un rythme qui lui permettrait certainement de prétendre à une bonne place sur une grille de GT3.

Nous sommes en mode standard. L’aéro n’est pas déployée mais toute la puissance est disponible. Le calibrage de la direction est sublime, la pédale de frein réagit bizarrement, le bruit est à la limite du supportable. La voiture que tout le monde a trouvée si timide à Goodwood est en fait, au moins de l’intérieur, l’une des plus sonores qu’il m’ait été donné de conduire. Le V6 s’allie avec tout le reste pour vous tarauder les tympans jusqu’à l’intérieur du crâne. Pendant la moitié du premier tour, ça fait sourire. Ensuite, ça fait souffrir.

La voiture sous-vire, mais c’est peut-être juste la température des pneus. Nous avalons la ligne droite des stands et déjà, la Black Series bouchonne l’hypercar. La transmission de la One est mode automatique et tout à coup, après un rétrogradage de troisième en deuxième, le V6 se tait et le tableau de bord se transforme en arbre de Noël. Nous nous arrêtons, j’informe Bernd au talkie et tandis que nous parlons, le moteur hoquette et redémarre, sans que j’aie touché à rien. Bizarre.

Et quand elle marche normalement, ça donne quoi ?

Oubliez tout ce que vous avez pu vivre ou lire sur les moteurs de super- ou hypercars. Cette voiture n’est peut-être pas l’épouvantail qu’on pouvait espérer en performances pures, mais elle procure une expérience absolument intense, grisante et surtout, unique. Le V6 est frénétique au-dessus de 9 000 tr/min mais les passages de rapport paraissent brouillons. Instinctivement, on attend en vain un à-coup. C’est parce que les moteurs électriques lissent l’accélération pendant que la transmission opère, pour ne pas gaspiller d’énergie cinétique.

La suspension est souple en mode normal, mais terriblement ferme en Race. Pourtant, on ne pourra rien en tirer d’autre que du sous-virage. Quoi qu’on fasse, l’avant s’inscrit difficilement tandis que la motricité de l’arrière est impossible à prendre en défaut. Le bruit devient insoutenable, il me faut des bouchons d’oreille. Ça me permettra peut-être de mieux me concentrer sur les freins et leur système de régénération hautement sophistiqué.

Eux non plus ne sont pas simples à appréhender. L’attaque est naturelle, mais pour aller titiller la limite de l’ABS depuis 150 km/h jusqu’à une épingle, c’est une autre histoire. Il faut dire que l’étrange position de conduite n’aide pas.

À bord

Ça ressemble à quoi, là-dedans ?

Pour prendre place, il vous faudra faire une croix quelques secondes sur votre dignité : comme sur une BMW i8, le faible angle d’ouverture des portes en élytre oblige à se contorsionner soigneusement pour passer dessous et se faxer de l’autre côté de l’épais seuil en carbone. Les matériaux et la finition font honneur à la réputation de Mercedes. L’étroit champ de vision du pare-brise est intimidant. Au moins peut-on compter sur de vrais rétroviseurs externes à l’ancienne, pas des caméras et des écrans comme dans une Aston Valkyrie ou une GMA T.50. Pratique pour tous ces créneaux que vous ne ferez jamais.

Une fois installé tant bien que mal, on réalise que le baquet est moulé à même la monocoque et qu’il faut ajuster le pédalier et le volant pour affiner la position de conduite, comme dans une LaFerrari. Le pédalier se déverrouille via un levier rouge entre vos jambes (non, pas celui-là), mais la colonne de direction est motorisée, comme dans une Classe S. Pourquoi pas.

Les pieds sont subtilement surélevés, ce qui ajoute à l’ambiance course, mais cette dernière est gâchée par l’étonnant manque de maintien des baquets. Bizarre, encore une fois. Tout comme le fait d’avoir tenu à loger une hi-fi haut de gamme dans la voiture la plus bruyante du monde. Et une connexion Bluetooth. Vous pourrez toujours essayer de passer un coup de fil…

Donc c’est quand même une pistarde dans l’âme ?

L’incongruité de l’équipement confirme une certaine schizophrénie. La One dispose d’un régulateur, ainsi que que d’un écran de Classe A qui lui donne accès à un système infodivertissement dernier cri, y compris des fonctions de télémétrie. Pendant ce temps-là, le volant rectangulaire typé F1 est équipé d’une rangée de LED sur la partie supérieure pour vous prévenir qu’il faut changer de rapport (c’est vrai que vous êtes sans doute déjà sourd), et de boutons façon GT3 pour actionner les phares, le DRS, augmenter l’assistance de direction ou passer au point mort. En-dessous, on trouve les mêmes molettes et boutons tactiles que sur n’importe quelle AMG de la gamme.

Entre les sièges, un unique rangement permet de caser la clé tout ce qu’il y a de plus standard. Là s’arrête le sens pratique de la One qui ne possède ni coffre, ni boîte à gants, ni bacs de portière. Elle n’a pas non plus de glace arrière, donc il faudra faire une confiance littéralement aveugle à la caméra et aux radars de stationnement.

Budget

Le tarif de base pour une AMG One, hors jantes magnésium ou livrée exotique, s’élève à 2,275 millions d’euros hors taxe. Il n’y en aura que 275 exemplaires, produits chez l’écurie Mercedes-AMG au Royaume-Uni, et ils sont tous vendus. Mercedes dit n’avoir aucun projet de versions roadster ou Black Series.

Une rumeur a circulé selon laquelle le V6 aurait besoin d’être intégralement refait au bout de 50 000 km. Moyennant 850 000 €, selon certaines sources. Gloups.

Les ingénieurs nuancent : la durée de vie du moteur de chaque voiture dépendra de l’usage qu’en fera le conducteur. Ceux qui feront de la piste devront passer plus souvent à l’usine que ceux qui se contenteront de faire une apparition aux Cars and Coffee le dimanche. AMG se dédouane aussi en soulignant qu’un moteur de F1 a normalement besoin d’un commando de techniciens pour démarrer, qu’il ne tourne pas au sans plomb standard, que son ralenti se situe à 5 000 tr/min au lieu des 1 200 tr/min de l’AMG One, et qu’il faut le mettre à la casse au bout de trois courses.

Cerise sur le gâteau, grâce à la modeste autonomie de 18 km offerte par sa batterie 8,4 kWh en mode tout électrique, la consommation officielle s’élève à 8,7 l/100 km et les rejets de CO2 à 198 g/km. Ce qui fait que Bercy s’acharnera moins sur ce monstre de 1 000 ch et des brouettes que sur une Porsche 718 de base.

Le réservoir de 55 l ne permettra toutefois pas d’aller bien loin dans la vraie vie.  Vous risquez de devoir finir vos track-days en éco-conduite (après tout c’est aussi ça, la F1 moderne… soupir) avant de box, box, box.

Verdict

Si vous avez l’impression que notre essai de l’AMG One nous a déçus, détrompez-vous. Disons plutôt qu’il nous a laissés sur notre faim. Cette voiture nous a captivés. On la soupçonne même d’être l’une des autos les plus intéressantes jamais produites et, potentiellement, l’une des plus gratifiantes. C’est juste que, pour l’instant, tout ça est encore bien caché sous une usine à gaz à la mise au point inachevée… Vivement qu’on remette ça.

Mercedes-AMG One

Année
2022
Prix mini
2275000 €
Type de moteur
Hybride rechargeable
Longueur
4756 mm
Largeur
2010 mm
Hauteur
1261 mm
Poids
1695 kg
Boîte de vitesses
Robotisée
Nombre de rapports
7
Transmission
Intégrale
Puissance
1063 ch
0 à 100 km/h
2,9 s.
Vitesse max
352 km/h
Conso
8,7 l/100km
Rejets
198 g/km CO2
Capacité
8.4
Autonomie
18 km

Moteur thermique

Type
Thermique
Nombre de cylindres
6
Cylindrée
1599 cm³
Alimentation
Turbo
Type carburant
Essence
Puissance
574 ch

Moteur électrique 1

Type
Électrique
Position
Arrière
Puissance
122 ch

Moteur électrique 2

Type
Électrique
Position
Arrière
Puissance
163 ch

Moteur électrique 3

Type
Électrique
Position
Avant
Puissance
123 ch

Moteur électrique 4

Type
Électrique
Position
Avant
Puissance
123 ch