Lotus Elise Sport 240 Final Edition

Cette fois, c'est la der des ders. Après 25 ans de carrière, le moment est venu de dire adieu à l'Elise avec une Final Edition aux petits oignons

Ollie MARRIAGE • Niels de GEYER
Publié le : 10 février 2021

9 10
Un quart de siècle plus tard, l'Elise n'a pas pris une ride. Elle est même plus parfaite que jamais dans cette Final Edition. Elle nous manquera terriblement.

Et non je ne pleure pas, je transpire des yeux.

Final Edition ? Pour de vrai ?

Débarrassons-nous de ça d’abord. Il y a effectivement eu beaucoup de séries limitées chez Lotus ces dernières années, à chaque fois avec quelques chevaux en plus, un aileron par-ci, une nouvelle livrée par-là. Mais cette fois, c’est vraiment la fin. La dernière Elise. Lotus va devoir arrêter sa production et celle de l’Exige (ainsi que celle de l’Evora, même s’ils ne lui ont pas encore réglé son compte de manière officielle) afin de se concentrer sur la Type 131, l’Evija et tout ce qu’ils ont dans les cartons.

Cela fait 25 ans qu’ils fabriquent l’Elise. La S1 a été remplacée en 2001 par la S2, qui a plus ou moins tenu la baraque depuis. Je sais bien qu’il y a eu la S3 en 2010, mais ce n’était qu’un restylage mineur. On parle donc d’une voiture qui n’a quasiment pas changé depuis deux décennies.

Et là, ils la changent, donc ?

Toujours pas. Juste quelques petits bonus pour le bouquet final. 23 ch de plus que l’Elise Sport 220 dont elle prend la place dans la gamme grâce à une reprogrammation, quelques nouvelles couleurs, et c’est à peu près tout. C’est plutôt rafraîchissant de reposer ses fesses dedans et de constater que le mécanisme de capote est toujours aussi farfelu (on la roule d’un côté vers l’autre et on la range dans le coffre). Ah si, il y a une nouvelle instrumentation numérique. Ça a moins de charme que le combiné Stack de la S1, mais c’est tout aussi clair et lisible.

La recette est donc pour ainsi dire inchangée. Un roadster tout petit et ultraléger à moteur central, animé par un quatre-cylindres 1.8 à compresseur qui entraîne les roues arrière via une boîte manuelle à six rapports. Cette Final Edition affiche 243 ch et 244 Nm pour 922 kg, ce qui se traduit par un 0 à 100 km/h en 4,5 s et  237 km/h en pointe.

Attendez, 922 kg ? Il me semblait que l’Elise pesait dans les 750, non ?

À l’origine, oui, mais pour suivre l’évolution des normes en matière de sécurité et de pollution, et accessoirement élargir sa clientèle, l’Elise a pris un peu d’embonpoint. Après, tout est est relatif : 930 kg, ça reste une demi-tonne de moins qu’une Porsche Boxster d’entrée de gamme, et 200 kg de moins qu’une Alpine A110

Mais elles offrent un peu de confort, elles.

En effet, choisir une Elise implique des compromis. Pas autant que je l’imaginais, néanmoins. Cela doit faire quelques années que je n’ai pas conduit d’Elise standard (plutôt qu’une Cup radicalisée dans tous les sens, qui s’éloigne à mon avis de ce que devrait être une Elise), et j’ai été agréablement surpris par la robustesse que dégage l’ensemble. C’est bien assemblé, les matériaux sont flatteurs au toucher, il n’y pas trop de métal nu exposé, et le peu qui reste visible est du plus bel effet. À l’heure où tant de voitures s’acharnent à mettre des écrans partout sur des planches de bord surdessinées, l’ascèse de la Lotus est d’autant plus séduisante. Cela veut aussi dire qu’il n’y a nulle part où mettre un téléphone et un portefeuille. Certainement pas sur le vide-poches métallique de la planche de bord, ça valdinguerait au premier virage. En revanche, le coffre est plus accueillant que l’on s’y attendrait et il y a un porte-gobelet entre les sièges.

Non, le problème n°1, pour le client potentiel d’une Elise, c’est d’abord de rentrer dedans. Si vous ne pouvez pas toucher votre nuque avec vos genoux, oubliez. Si vous faites plus d’1,85 m aussi. C’est une petite voiture, pour les petits gabarits. Souples, si possible. Une fois à l’intérieur, on trouve un siège avec une assise courte et un maintien latéral assez chiche. La position de conduite, heureusement, est parfaite. Le nouveau volant, garni d’Alcantara sur cette voiture, a gagné un peu en diamètre, ce qui réduit l’effort à basse vitesse avec la direction non assistée. Un peu plus bas à gauche, il y a le levier de vitesses et sa somptueuse tringlerie apparente.

Est-ce qu’il est aussi agréable à utiliser qu’à regarder ?

Absolument. Le genre de délicat déclic au verrouillage et de guidage parfaitement fluide qui vous donne envie de changer de vitesse sans aucune raison. Plus globalement, et plus encore qu’une Alpine, c’est une voiture qui ignore la notion d’inertie. Au-dessus de 2 000 tr/min, le compresseur assure une réponse instantanée, la direction est chirurgicale, tout se passe exactement comme vous le souhaitez, au moment précis où vous le souhaitez. J’avais oublié à quel point on fait corps avec cette voiture. Ces derniers temps, on parlait surtout de ses versions Cup, et je suis heureux que pour célébrer la fin de sa carrière, Lotus ait mis en avant le modèle standard. Histoire de rappeler que rien ou presque ne régale autant qu’une humble Elise sur une petite départementale.

Le poids supplémentaire la rend même plus stable et met encore plus en confiance. Cette direction est divine. Il suffit de conduire et d’absorber les sensations qui affluent, tout en s’émerveillant devant cette limpidité. Pour chipoter, j’aimerais bien une pédale de frein légèrement plus ferme. Aucun problème quant à la puissance d’arrêt, c’est juste qu’une course plus courte en conduite dynamique serait plus en harmonie avec le reste des commandes.

Et le moteur ?

L’Elise a toujours été d’abord un châssis, le moteur n’étant là que pour le propulser entre deux virages. Le quatre-cylindres compressé répond très bien mais sans grand charisme. Il paraît moins virulent que le 0 à 100 km/h en 4,5 s le suggère sur la fiche technique, et il délivre sa puissance de façon très linéaire, ce qui rend le haut du compte-tours assez peu passionnant à explorer. Un échappement un peu plus volubile et une admission libérée ne lui feraient sans doute pas de mal, et ajouteraient peut-être un peu de punch à mi-régime dont l’Elise s’accommoderait très bien.

Car on sent que c’est une voiture mûrement développée. Souvent, ces séries limitées de fin de carrière sont bâclées par le constructeur qui n’attend que de passer à autre chose, les voitures ont fait leur temps et ont perdu leur intérêt. Pas l’Elise. À l’heure où réduire l’empreinte environnementale de nos déplacements est devenu une priorité planétaire, une petite voiture légère, posée sur des pneus étroits, frugale (7,8 l/100 km et 177 g/km WLTP), pas trop bruyante, semble même plus pertinente que jamais.

Il sera intéressant d’observer comment Lotus s’y prendra pour traduire ces vertus sur des voitures bardées de lourdes batteries…

Sur un long trajet, elle est supportable ?

Tout dépend de votre seuil de tolérance. Comme je l’ai déjà dit, cette Elise a été polie au fil des années, et les bruits aérodynamiques, infiltrations d’eau et autres petits soucis de jeunesse ont été résolus. Mais on est toujours ballotté par le souffle des camions, l’insonorisation est symbolique et au quotidien, elle est très loin d’offrir le confort et le sens pratique d’un Boxster, au hasard. Il faut être prêt à donner de sa personne. Ou alors ne la sortir que le week-end à la belle saison, comme le font la plupart de ses propriétaires.

Le prix a sacrément gonflé, lui aussi…

Ah ça, on est loin des quelque 170 000 FF des débuts (35 000 € actuels, avec l’inflation)… Cette Final Edition s’affiche à 56 980 €, soit désormais plus cher qu’une Alpine A110 après malus. Sont-elles concurrentes ? À vous de voir. Personnellement, je suis plus préoccupé par la façon dont les deux marques vont collaborer pour leur future sportive électrique que par une éventuelle rivalité actuelle.

Vous allez la regretter, quand elle ne sera plus là ?

Vous n’imaginez même pas à quel point. J’ai toujours pensé qu’il était très important qu’il existe une voiture comme l’Elise sur le marché. C’est une sorte de pierre philosophale, pour nous les passionnés mais aussi pour les autres constructeurs. On pouvait pointer du doigt leurs voitures et leur demander pourquoi elles pesaient autant quand Lotus montrait qu’il y a avait un autre chemin. L’Elise respectait à la lettre les préceptes chapmaniens de simplicité et de légèreté. Elle avait son terrain de chasse bien à elle, à mi-chemin entre Caterham et Porsche.

Et il n’y en a plus vraiment d’autre comme elle. Rien, en tout cas, qui respire la même grâce, la même pureté. L’Elise est sur le départ, mais elle n’a rien perdu de sa fraîcheur et de sa modernité. Si, comme on le craint, l’ère électrique met fin à une certaine idée de la voiture de sport, on aura perdu là l’une de ses icônes les plus précieuses. Et ce n’est qu’une fois qu’elle sera partie qu’on s’en rendra vraiment compte.

En savoir plus à ce sujet :