Ola Källenius : « La Classe S n’a jamais fini d’étonner »

Top Gear parle limousines, guerre technologique et... Aston Martin avec le PDG de Mercedes Ola Källenius

Jason BARLOW • Niels de GEYER
Publié le : 7 septembre 2020

La nouvelle Mercedes Classe S est-elle trop complexe ? Pas selon le patron de la marque, Ola Källenius. En ces temps  post-Covid où les réunions Zoom sont devenues la norme, ça ferait presque bizarre de l’avoir au téléphone, sans l’image. Il se trouve à Sindelfingen, où vient juste de présider le lancement de l’éternel vaisseau amiral Mercedes. Alors que là où nous allons, nous n’avons sûrement pas besoin de téléphones…

« Nous avons passé beaucoup de temps à mettre l’humain au centre de ces innovations, à tout rendre le plus intuitif possible, explique-t-il à TopGear.com. Si vous regardez le clip de lancement, vous pouvez voir Jensen Huang, le PDG de Nvidia, fermer le toit panoramique d’un simple mouvement de la main, sans rien toucher, un geste intuitif qui ne nécessite pas d’apprendre une nouvelle langue des signes. Non seulement le prochain MBUX est beau, mais il est aussi très intuitif. Je plaisante parfois en disant aux ingénieurs que [la technologie] doit pouvoir être comprise par un enfant de cinq ans ou un membre du conseil d’administration de Daimler. Ce n’est pas juste la technologie pour la technologie. Je pense que nous avons réussi à la rendre accessible. La Classe S n’a jamais fini d’étonner. Vous seriez surpris de tout ce que cette voiture peut faire pour vous, même après longtemps. »

Cela inclut le stationnement, malgré ses quelque 5,20 m de long. En fait, elle sait même se garer toute seule – le directeur technique Sajjad Khan est particulièrement fier de cet aspect dans tout le formidable arsenal de la voiture – mais Ola Källenius insiste sur l’importance de mettre la main à la pâte. « Visuellement, la voiture semble sportive et agile. Elle l’est encore plus au volant. Nous avons intégré des roues arrière directrices sur 10°, une première mondiale. La première fois que je l’ai conduite, je suis rentré dans un parking à Stuttgart – ils ne sont pas très grands, là-bas – et tout en étant à bord d’une voiture de 5,2 m de long, on a l’impression de conduire une Classe A. »

« Nous n’avons de dogme absolu dans aucun domaine, sinon celui de répondre le mieux possible à ce que recherchent les clients. Mais parfois, autant faire des choses sans leur demander pour mieux les époustoufler… »

Ce genre d’initiative va peut-être s’étendre à un modèle situé encore plus haut dans la hiérarchie, si vous arrivez à l’imaginer. Källenius confirme en effet que le label Maybach, qui vient d’être apposé sur le SUV GLS en plus de la Classe S, sera encore étendu, en tout cas si cela se justifie d’un point de vue stratégique.

« Quand nous avons réintroduit Maybach en utilisant les recettes AMG mais dans un registre de luxe sophistiqué, cela a très bien fonctionné. Pour ce luxe sophistiqué, surtout pas ostentatoire, Maybach du potentiel et nous comptons bien l’exploiter. Nous sommes des passionnés d’automobile et de technologie, mais nous n’hésitons pas à tailler dans le vif quand cela s’impose. Si un projet a du sens économiquement et que c’est bon pour la marque, alors on passe à l’acte. Si c’est juste pour se faire plaisir sans tenir compte des intérêts des actionnaires, ce n’est pas la peine. »

C’est cette logique financière qui a entraîné la mise sous l’éteignoir des somptueuses variantes coupé et cabriolet de la Classe S, qui n’auront pas de descendance. Mais le prochain SL, qui revient à la capote en toile à la place du toit rétractable en dur, devrait répondre à ces impératifs. « Concernant les supercars et autres variantes deux portes, je ne veux pas en dire trop pour l’instant. Mais soyez assurés que chacun aura une voiture qui répondra à ses besoins« , explique-t-il mystérieusement.

À l’aube de la carrière de la Classe S, il décrit aussi ce qu’il appelle les trois « lignes de nage » de cette dernière : les moteurs thermiques à hybridation légère 48 V, les hybrides rechargeables (avec une centaine de kilomètres d’autonomie en mode électrique) et l’EQS 100 % électrique. Un vaisseau amiral parfaitement dans l’air du temps, donc, même si Källenius ne veut pas s’étendre sur le calendrier. Toujours est-il que si la nouvelle Classe S est un peu timide à votre goût, la version de série de l’EQS pourrait vous en mettre plein la vue.

« L’EQS est basée sur une plate-forme électrique dédiée, avec une carrosserie et un empattement différents, précise Källenius. Esthétiquement, c’est aussi une proposition distincte. Elle s’adresse aux technophiles fortunés. Je pense que nous amènerons de nouveaux clients dans le giron de la marque avec cette stratégie. Je ne sais pas quand ces trois lignes de nage convergeront en une seule. Cela viendra un jour, mais il n’est pas encore temps de répondre à cette question. »

En voici une sur laquelle il peut sans doute s’exprimer davantage : est-il préoccupé par la montée en puissance des géants de la Silicon Valley dans la nouvelle course à l’armement de la voiture connectée ? « Investir en masse dans de nouvelles architectures logicielles fait partie des transformations que nous devons nous imposer. C’est nous qui devons posséder et contrôler le cerveau et le système nerveux de la voiture, admet-il. La Classe S étrenne la prochaine génération d’architecture électrique dans la gamme, avec des capacités ‘over the air’ [mises à jour logicielles automatiques à distance, NDLR] et une infinité d’usages. Il faut que nous contrôlions tout ça et que nous le développions nous-mêmes, mais nous devons aussi avoir une mentalité open source afin de faire fonctionner tous les écosystèmes en harmonie. »

Capitaine d’un bateau de presque 300 000 employés depuis mai 2020, Källenius a déjà affronté une tempête hors norme. Un pandémie mondiale, ça ne fait partie pas des cas d’étude dans les manuels de management.

« Nous avons eu deux priorités, dit-il à propos du défi auquel la planète a dû faire face en 2020. D’abord, protéger nos salariés. Prendre les mesures qui s’imposent pour freiner l’expansion de la pandémie. Aider la société dans son ensemble à lisser la courbe. Nous avons agi très vite à l’échelle globale. Priorité numéro deux, protéger l’entreprise. Nous avons enregistré une chute de la demande sans précédent à cause du Covid. Nous avons pris des mesures tout aussi rapides pour adapter notre production. Quand nous avons présenté nos chiffres du deuxième trimestre, nos ventes avaient atteint un niveau historiquement bas, mais nous avions continué à enregistrer des flux de trésorerie positifs. La date de lancement de la Classe S avait été fixée bien avant le Covid. Les projets à fort contenu technologique comme la Classe S n’ont pas été affectés. Cela a été un défi considérable pour l’équipe qui gère le projet, mais je salue leur ingéniosité et leur détermination. »

Enfin, je lui demande si la nomination de l’ancien patron d’AMG Tobias Moers à la tête d’Aston Martin sert un dessein supérieur de Stuttgart, comme nous en sommes persuadés.

« Tobias et moi-même nous connaissons depuis des années, et nous avons travaillé main dans la main, sourit-il. Même s’il faisait partie des meubles, quand il est venu me voir à propos de cette opportunité et qu’il m’a demandé mon avis, plus en tant qu’ami que collègue ou patron, je lui ai dit ‘Tobias, tu as passé toute ta carrière chez AMG, et voici une chance de faire quelque chose de complètement différent. Je n’ai pas du tout envie de te voir partir mais si j’étais à ta place, je le ferais.’ Appelons ça une séparation en bons termes. Notre partenariat avec Aston Martin est solide. Est-ce que ça permettra d’aller plus loin ? Peut-être, mais je ne peux pas faire de commentaires là-dessus à l’heure qu’il est. »

Pas vraiment un non, donc…

 

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