Eletre : La nouvelle position du Lotus, les doigts dans la prise

Voici donc l’Eletre, qui fait preuve de très peu de simplification et d’encore moins de légèreté. Pourtant il porte bien un badge Lotus mais…le mérite-t-il ?

| Publié le : 29 mars 2022

Il a disparu il y a près de de 40 ans. Mais, quand votre fondateur était aussi charismatique et intelligent que Colin Chapman, l’héritage à porter est lourd. Très lourd. Un comble pour Chapman, non… ? Parmi ses mantras les plus connus, il y a bien évidemment le sacro-saint « Light is right » – à ne pas confondre avec « Le gras c’est la vie », ça c’est Karadoc. Mais aussi « Simplify, then add lightness » autrement dit « Simplifier, puis ajouter de la légèreté ». Oui, le poids était son obsession. Alors qu’aurait-il pensé de notre monde de plus en plus, et bientôt exclusivement, électrifié ? Un monde dont la doctrine semble être « Compliquez, puis rajoutez du poids »… Et qu’aurait-il pensé de la place de Lotus dans ce monde ?

Aussi étonnant que ça puisse paraitre, on pense qu’il aurait été plus d’accord que tous les trolls qui inondent les réseaux sociaux de smileys pleurants, insultants et vomissants à l’instant où vous lisez ces lignes. Certes, le Lotus Eletre que vous avez sous les yeux a, à première vue, autant en commun avec une Lotus Seven ou une Elise qu’un hors-bord avec un ferry transmanche. Non seulement c’est un SUV 100% électrique qui pèse un peu plus de 2,2 tonnes, mais c’est aussi la première Lotus en 74 ans d’histoire de l’entreprise à avoir quatre portes.

Avec sa batterie de 105 kWh, l’Eletre promet une autonomie WLTP de 600 km. Mais surtout, il est prêt pour le futur.  C’est par exemple le premier véhicule de série au monde doté d’un lidar déployable pour une conduite autonome de niveau quatre. Ce n’est pas une voiture, c’est un saut quantique. Reste à savoir si c’est ce qu’on attend. Ou ce qu’on doit attendre d’une Lotus…

En clair, est-ce une bonne chose ? La question ne se pose en fait pas dans ces termes. Un SUV électrique autonome badgé Lotus ne doit être ni une bonne, ni une mauvaise chose. Il doit être pragmatique. Car c’est simple, Lotus ne peut pas survivre avec les revenus de l’Emira et de l’Evija. Et si vous avez encore le nez qui coule et les yeux qui pleurent en tentant d’accepter l’Eletre et ce qu’il signifie, n’oubliez pas que de nos jours Porsche est un fabricant de SUV (171 000 Cayenne et Macan vendus l’an dernier) qui vend aussi certaines des meilleures sportives au monde. Chapman était avant tout un homme d’affaires et il savait généralement de quel côté soufflait le vent.

En l’occurrence, le vent en question vient de l’est. Cet Eletre sera, selon Lotus, le premier d’une nouvelle gamme véhicules électriques haut de gamme et performants produit dans une toute nouvelle usine à, euh, Wuhan, en Chine. Une ville de 11 millions d’habitants dont vous n’aviez sans doute jamais entendu parler avant il y a deux ans quand une certaine contagion est apparue. Mais passons. Certains fans ne sont pas ravis d’avoir vu Lotus perdre son indépendance et êtr intégré au géant chinois Geely,. D’un autre côté, où serait Lotus maintenant sans une généreuse injection de capital chinois ?

Et il n’y a pas que le cash. La Chine est un leader mondial de la technologie des batteries, l’Allemagne du matériel et des logiciels, la Suède de la sécurité. Quant au Royaume-Uni, c’est là que les choses sexy comme le réglage et la conception du châssis sont supervisées. Et grâce aux tentacules de la pieuvre qu’est Geely, le nouveau SUV Lotus peut puiser dans tous ces avant-postes. C’est comme ça que certains des plus grands esprits du monde automobile ont eu leur mot à dire dans l’Eletre. D’un coup, on trouve un peu moins à redire, non ?

En plus d’Hethel, Lotus possède désormais également un centre de design à Coventry. Et c’est ici, une semaine avant Noël, que TopGear s’est glissé pour voir le nouveau venu. Regarder une voiture dans un studio, sans contexte, est toujours un peu étrange. Alors imaginez quand il s’agit d’un véhicule sans aucun précédent comme un SUV Lotus. Mais au moment où le responsable du design, Ben Payne, ouvre la porte et passe devant l’Eletre, plusieurs choses vous frappent, comme une poêle à frire géante (vous avez vu Raiponce ? Pareil.). Tout d’abord, il est grand – 5,1 m de long, 2,2 m de large et 1,6 m de haut. Il est presque imposant visuellement que le Lamborghini Urus.

 

Lotus Eletre - Reveal 29 mars 2022

Si notre modèle photo repose sur les roues de 23 pouces (en option) infusées de fibre de carbone, les jantes standard sont quand même en 22”. C’est le diamètre minimum qu’exige le Lotus Eletre sous peine de paraître trop bodybuildé. Et il est aussi très expressif. Ses phares et le bandeau LED arrière lui permettent de « communiquer » avec le propriétaire et les autres usagers de la route. Cela comprend notamment une séquence d’accueil à l’approche du conducteur. Les poignées de porte affleurantes disposent aussi de LED pour être plus visibles. Et l’Eletre utilise la technologie ultra-large bande pour reconnaître le conducteur et régler automatiquement ses préférences à partir d’une application. Sans clef donc. On a hâte de savoir quel constructeur sera le premier à greffer une queue motorisée à une voiture pour imiter la joie de l’épagneul au retour de son maître…

Ce Lotus Eletre est aussi très aérodynamique. Il est même le SUV le plus avancé au monde lorsqu’il s’agit de fendre l’air, grâce à divers dispositifs actifs et passifs. Vous remarquerez une certaine continuité dans le design avec l’Evija et l’Emira. Principalement dans la présence partout sur le corps de l’Eletre de trous stratégiquement placés et d’espaces négatifs. Cela permet d’optimiser le refroidissement les flux d’air sous, autour et à travers la carrosserie. Si c’est important dans n’importe quel véhicule, c’est primordial dans un véhicule électrique en permettant d’augmenter l’autonomie et d’améliorer les performances globales.

Qui, en l’occurrence, sont loin d’être minables. Avec un moteur sur chaque essieu, une transmission intégrale et une nouvelle plate-forme modulaire 800V (appelée EPA) qui mélange aluminium et acier à haute résistance pour une plus grande rigidité, l’Eletre affiche un 0 à 100 km/h en moins de trois secondes. Une donnée de plus en plus inutile, pour être honnête. Mais au moins il y a un sens de cohérence avec l’historique de haute performance de Lotus.

Le Lotus Eletre repose sur une suspension à cinq bras à l’arrière, et toutes les versions profitent d’une suspension pneumatique avec contrôle d’amortissement continu. Ensuite, un système anti-roulis 48V, une vectorisation de couple et un essieu arrière actif sont disponibles, selon le modèle.

« Nous avons saisi les opportunités que l’architecture électrique nous offrait », m’explique Payne, alors que nous commençons à tourner autour de la voiture. « Puis nous nous sommes tournés vers notre histoire, notre héritage, faits de sportives principalement à moteur central.

L’Eletre a une silhouette avec un habitacle placé très en avant et des porte-à-faux très courts. Le poids visuel est centré entre les roues. Regardez une voiture comme l’Aston DBX, qui a un long capot et qui cache vraisemblablement un gros moteur. L’habitacle est donc positionné bien en arrière et le poids visuel est surtout sur les roues arrière. Les lotus ne ressemblent pas à ça. Nous avons essayé de prendre les marqueurs esthétiques d’une sportive à moteur central et de l’imposer à ce type de véhicule. Il n’y a pas de moteur traditionnel, donc le pare-feu n’est pas aussi loin en arrière. Ce qui signifie que nous avons pu tout avancer. Mais au-delà des proportions, il y a beaucoup de détails sur cette voiture, et beaucoup de sculpture. »

 

Lotus Eletre - Reveal 29 mars 2022

En effet. L’avant du Lotus Eletre se résume à une sorte de… forme de lame complexe, qui se comprend mieux de profil. Les feux de jour sont placés sur le dessus, séparés des feux matriciels principaux (un peu comme sur… un Citroën C3 Aircross Phase 1. Rhôôô ça va, si on ne peut plus plaisanter). En dessous se trouvent des facettes triangulaires qui s’ouvrent ou se ferment comme des pétales pour refroidir le radiateur ou la batterie. Et elles aident également à réduire la traînée lorsqu’elles sont fermées.

Toute la section supérieure de la voiture est sombre (oui, comme sur un Captur, y’en a qui suivent !) ce qui, avec la partie basse plus claire, minimise la masse visuelle de la voiture. Cela laisse l’œil permet à l’œil de se poser sur la partie centrale, plus fine, et sur les arches arrière plus propulsives. C’est un classique du design auto, bien sûr. D’ailleurs, l’Eletre doit recourir à un paquet d’astuces pour de détourner l’attention du volume de tôle d’un SUV de plus de 5 m de long. Mais le résultat est impressionnant. Et on n’a pas de mal à l’imaginer en star bardée de néons à sillonner de nuit les rues d’une mégalopole déserte dans le prochain clip de The Weeknd.

Le becquet de toit arrière en fibre de carbone est un autre élément de la voiture qui flotte. Il canalise l’air sur l’aileron actif à trois étages, mais il n’y a pas de section centrale. Ça laisse un espace au capteur lidar arrière. Même s’il n’y en a pas. Euh… ?!? Explication : « Parfois, ils sont ajoutés au dernier moment. Et vous vous retrouvez ensuite avec ces verrues partout sur la voiture », explique Payne. « Lotus a toujours cherché à embellir l’ingénierie. Partout où nous pouvons, nous essayons de faire passer l’air à travers de petits canaux, mais la sculpture dans son ensemble gère également le flux d’air. Le conduit derrière les passages de roues avant réduit les turbulences à haute pression qui y sont générées. Le panneau flottant sur le montant D, marqué du mot «Eletre», permet aussi à l’air d’être dévié au dernier moment pour contrôler le sillage.

 

Lotus Eletre - Reveal 29 mars 2022

Mais c’est à l’intérieur que ce saut quantique se fait vraiment sentir. Les Lotus étaient légères en partie parce qu’il y avait peu de choses à l’intérieur. Une approche compliquée à tenir dans un SUV électrique à plus de 120 000 €. Mais le Lotus Eletre gère l’illusion de légèreté en éliminant les surfaces là où c’est possible. Payne encore : « L’intérieur de l’Esprit des années 70 a été une référence pour nous. Il y a des éléments flottants, comme des ailes, sur le dessus du tableau de bord et nous avons réduit les choses au maximum. La plupart des éléments des tableau de bord des SUV sont gros et lourds. Nous avons essayé de supprimer autant de masse que possible.

Les informations principales sont affichées sur une mince bande de 30 mm de haut. L’écran tactile central de 15,1 pouces est la dernière génération d’OLED, celle utilisée dans la Mercedes Classe S, et 95 % de ses fonctionnalités sont disponibles en trois touches. Et comme dans la vitrine technologique de Mercedes, il y a une bande lumineuse qui permet d’avertir le conducteur d’une sortie de voie ou d’un appel téléphonique par exemple. Selon Lotus, c’est multisensoriel. Selon nous, ça peut aussi agacer… mais le conducteur peut désactiver la plupart de ces échanges mutlisensoriels s’il veut un environnement dans lequel la haute technologie est moins omniprésente. Voire oppressante.

Il y a de la fibre de carbone recyclée à l’intérieur et un accent particulier a été mis sur les matériaux durables, y compris les microfibres artificielles sur les principaux points de contact. C’est un environnement très tactile et de haut de gamme. Il n’y a pas de plastique visible dans l’habitacle et il y a même des boutons analogiques pour les modes de conduite et les fonctions de climatisation. Le vrai luxe en somme ! Lotus indique que l’interface utilisateur sera constamment mise à jour. Elle évoluera, avec les mises à jour logicielles sans fil OTA et la compatibilité 5G.

Le spécialiste britannique KEF fournit le son. Du sur mesure avec, en option, un système ultra puissant de 1 500 W à 23 haut-parleurs. Wow. Il y a la possibilité de choisir une configuration quatre ou cinq places, selon le degré de praticité ou de limousine que vous souhaitez pour votre Lotus Eletre, et un vaste toit panoramique. L’habitacle est même constellé de nombreux porte-gobelets de différentes tailles. Quand on vous dit qu’on n’a jamais vu un intérieur comme ça chez Lotus… c’est un intérieur Lotus comme nous n’en avons jamais vu.

Bon, et sinon, à quand la version Clubsport ?

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