Land Rover Defender : le retour du roi

L’arrivée du nouveau Defender ? C’est un peu comme si on passait de la Porsche 911 type 930 à la 992.

Paul HORRELL • Cédrik ANDRÉ
Publié le : 10 septembre 2019

Ça y est, enfin ! Dans le monde automobile – NOTRE monde –, ça fait un peu l’effet d’un mariage royal. Tout le monde a son avis sur ce à quoi il devrait ressembler, s’il devrait rester plutôt rustique et traditionnel ou entrer de plain-pied dans l’ère moderne en mêlant confort et technologie. Fin du suspense et des spéculations, le nouveau Defender est là ! Mais encore… ?

Le nouveau Defender se veut authentique. Mais authentique ne veut pas dire identique. Commençons par tuer le père : non, il ne s’agit pas d’une réincarnation de l’original. Ce serait un suicide commercial. La production du vieux Defender ne s’est pas arrêtée seulement parce qu’il était dangereux et polluant, mais plus simplement parce qu’il ne se vendait plus assez. Et il faut arrêter de croire que les agriculteurs, les gardes-côtes, les entrepreneurs du bâtiment, les agences humanitaires à travers le monde et les Casques bleus des Nations Unies attendent un nouveau Defender. Ils roulent tous en 4×4 Mitoyonisuzu ou en pick-up Honnotatsuki… Le Land Rover original était génial mais, sur la fin, il ne faisait plus sens. Simplement.

Maintenant, si vous voulez vraiment un nouvel ancien Def’, achetez-en un vieux et restaurez-le. Si vous ne savez pas faire, des tas d’artisans aux doigts de fée le feront pour vous. Une activité en pleine expansion, je n’en ai jamais croisé autant sur les routes que cet été… Oui, ça va coûter cher, mais ça a toujours été le cas avec le Def’ car, s’il a été conçu de manière simple, il a été construit de manière profondément improductive à grands coups de pinces à rivet. Le nouveau, produit dans l’usine moderne de Nitra, en Slovaquie, offre un bien meilleur rapport qualité/prix même si son tarif reflète toute la technologie moderne qu’il embarque.

Ce nouveau Defender doit s’attaquer à un problème épineux. Devenir un objet de désir pour le grand public tout en se révélant d’une réelle utilité pour venir titiller à nouveau l’intérêt de la frange qui va des agriculteurs aux Casques bleus. Gerry McGovern, grand patron du style Land Rover, nous l’a dit : « Le monde a changé depuis le premier Defender. On ne peut pas faire les choses à moitié, nous devons séduire ! » Oui, mais qui ? Récemment, on a pu entendre des dirigeants ricaner à l’idée de construire un véhicule pour eux parce que, bah… Jaguar Land Rover est un constructeur haut de gamme, vous voyez.

Eh bien, je ne suis pas du tout d’accord avec ça. Ils ne doivent pas se couper du marché des véhicules « utilitaires » déjà pour… le marché que ça représente (c’est bête à dire mais c’est vrai) ; en plus, c’est aussi là qu’ils iront piocher cette authenticité qui leur permettra d’aller chercher le grand public. C’est à force de le voir plus souvent dans les hypercentres urbains branchouilles, à l’intérieur des périphs que sur le terrain dans des zones difficiles que l’ancien a perdu petit à petit sa légitimité. Il commençait à sonner faux. Et ce n’est pas une image qu’une marque peut soutenir très longtemps, ce n’est pas viable sur le long terme. Le nouveau sera donc bien proposé dans une version commerciale avec des jantes en tôle et des panneaux occultants à la place des surfaces vitrées à l’arrière – pour pouvoir coller votre sticker “Avec la plomberie Michu, les fuites, y’en n’a plus !”. Ils ont pensé à tout ! Et, avec cette légitimité acquise de dure lutte, on “peut” plus facilement accepter de retrouver le même engin sur des roues de 22” devant un club de gym privé des quartiers chics ! Mais cette version commerciale sera pour l’an prochain. Pour le moment, on commence avec le Defender 110, la version 5 portes, 5 à 7 places qui devrait débuter aux alentours de 55 000 €. Dans quelques mois arrivera le Defender avec son empattement court et ses 3 portes pour un peu moins de 50 000 € et on attend des infos sur la version commerciale. Voilà pour la version officielle et, de notre côté, on s’attend à une version longue 130 “surprise” d’ici quelque temps. Disons… premières fuites mi-2020, annonce fin 2020 et commercialisation mi-2021. Et si vous êtes aussi excité que nous et que vous êtes en région parisienne début octobre, réjouissez-vous ! Vous pourrez découvrir en vrai et pour la première fois en France le nouveau Defender 110 à l’occasion du Jaguar Land Rover Festival de Montlhéry du 11 au 13 octobre.

Visuellement, 90 ou 110, il sera sans l’ombre d’un doute identifié comme un Land Rover au premier coup d’œil. Même si j’entends d’ici les râleurs… râler que « ça y est, les 4×4 s’y mettent comme les citadines, les berlines et les SUV, ils se ressemblent tous ma bonne dame. Ah oui et puis, y’a plus d’saison non plus… » Mais oui, vous avez raison, c’est incroyable cette obsession qu’ont les fabricants de 4×4 de tous faire des voitures de la même forme. Le Wrangler, le Jimny, le Classe G et maintenant le nouveau Def’. « Bah oui ! Avant, ils dessinaient les autos avec une règle et une équerre, donc, bon, bah… voilà, quoi ! Mais aujourd’hui, avec leurs satanés ordinateurs… On envoie des hommes sur la Lune et on n’arrive pas à faire un 4×4 rond ? » À moins que… Si vous voulez les meilleures aptitudes en franchissement, la possibilité de proposer différents types de carrosserie à l’arrière, optimiser l’espace intérieur, pouvoir accrocher (et donc vendre) tout un tas d’accessoires, vous vous retrouverez immanquablement avec des porte-à-faux courts, un habitacle format boîte à chaussures et une ceinture de caisse horizontale. C’est comme ça qu’ils ont procédé et c’est pour ça qu’ils en arrivent là tous les quatre.

Ensuite, le boulot des designers du nouveau Defender était de le faire ressembler à un Land Rover et de le rendre sexy. Si le nouveau Classe G a plus bénéficié d’une mise à jour que d’une réelle réinterprétation, les designers de Land Rover sont allés plus loin avec une approche plus… imaginative. Ils en ont bien fait un Land Rover, mais un Land dont l’environnement naturel est tout autant la jungle amazonienne que la jungle urbaine. Ils voulaient également un véhicule ostensiblement moderne mais qui conserverait l’authenticité de son ancêtre tant dans ses usages que dans ses qualités intrinsèques. Et ils y sont parvenus. À la différence de l’ancien, ici, aucun panneau de carrosserie n’est vraiment plat. Le métal plat vieillit mal et fait vite bas de gamme. Les surfaces du nouveau Defender dégagent une sorte d’élégance avec ces arches de roue rectangulaires et le panneau arrière légèrement courbé en vue du dessus. Quant aux optiques, elles ont l’air aussi modernes que solides. Le dessin de la calandre et les alpine windows (ces petites fenêtres à la jonction des flancs et du toit) sont également des marqueurs Land Rover forts.

À l’intérieur, c’est pas mal aussi. Une barre métallique horizontale sert d’ossature au tableau de bord. Du fake ? Non, il s’agit d’un alliage de magnésium et cette pièce est structurelle. Vous pouvez y poser tout ce que vous voulez ou tirer la voiture par les poignées à chaque extrémité sans aucun souci. Ouep ! ce Def a été conçu pour résister à une vie difficile. Et entre les sièges avant, vous pouvez choisir la console modulaire ou, en option, le troisième siège, ce qui fait passer le 110 à un total de 8 places. Et 6 pour le 90. C’est un truc que les amateurs apprécieront, cette place centrale, c’était la mienne quand j’étais petit dans le Defender de mon grand-père.
Évidemment, la panoplie des affichages numériques, gadgets et autres assistances électroniques est complète et, autour de tout ça, il est possible de personnaliser l’habitacle avec bon nombre de couleurs et de matériaux dont un bois mat très moderne. Mais le design n’est que la partie visible de l’iceberg sur ce Def’ (ça n’a jamais été aussi vrai…). Le vrai truc se passe en dessous. La base est une toute nouvelle monocoque aluminium qui repose sur une suspension indépendante. Land Rover l’appelle D7X.

Elle reprend le concept des autres structures alu de JLR mais plus de 90 % des pièces sont nouvelles. Et l’agencement a dû être revu pour déplacer des éléments afin d’augmenter la garde au sol et faire de la place pour câbler le 48V. La suspension, totalement indépendante, est ultrarésistante. Durant les tests, ils ont même lancé le Defender à plusieurs reprises contre un trottoir de 20 cm à 40 km/h.

Si en entrée de gamme le 90 sera équipé d’une suspension classique, tous les 110 profiteront d’une suspension pneumatique à hauteur variable. Elle pourra s’abaisser en fonction de la vitesse ou pour charger ou atteler une remorque, se surélever sur terrain cahoteux ou… se surélever encore un peu plus pour les passages de gué. Rien de révolutionnaire mais rien n’exploite mieux une suspension pneumatique qu’un 4×4. En franchissement, vous pourrez la jouer pro en gérant vous-même le glissement, le niveau de blocage du différentiel ou le passage en boîte courte, ou laisser tout ça au système Terrain Response qui n’a plus à faire ses preuves. Vous saurez en direct comment il gère tout ça sur l’écran central, vous pouvez surveiller l’assiette sur l’affichage tête haute (en option) et le coup du “capot transparent” est également disponible.

La garde au sol est de 291 mm, soit la hauteur d’une bouteille, le débattement des roues atteint 500 mm (!) et vous pouvez aller patauger jusqu’à 900 mm. Environ la hauteur de… l’articulation de ma hanche. La capacité de chargement est de 900 kg et le toit à lui seul peut supporter 168 kg. Bon courage pour le charger même si l’échelle déployable proposée en accessoire saura vous y aider. En statique, la charge du toit peut atteindre 300 kg, de quoi vous installer une tente avec vue n’importe où sur la planète. Vous connaissez les concours de l’homme le plus fort du monde où des géants tout en muscles s’amusent à jongler avec des boules de pierre ? Bah là, c’est un peu pareil. Le Defender peut tracter 3,5 tonnes et dispose de toutes les aides électroniques nécessaires à la marche arrière dont vous ne devriez pas avoir besoin si vous êtes “un vrai”. Mais il peut aussi arracher jusqu’à 6,5 tonnes avec ses crochets de remorquage – à vous de trouver les sangles qui vont avec – et le treuil intégré en option au bouclier avant peut tirer jusqu’à 4,5 tonnes. De quoi le faire grimper aux arbres… littéralement ! Si Spiderman cherche une nouvelle voiture…

Les moteurs sont la crème de ce que propose JLR actuellement avec, notamment, le tout nouveau 6 en ligne mild-hybride 48 V fort de 400 ch pour un 0 à 100 km/h à 6,4 s. Mieux que vous espériez, non ? Deux diesels seront également proposés au lancement, un 200 et un 240 ch et tous sont couplés à la boîte auto 8 rapports et disposeront de la boîte courte.

Sincèrement, vous pourriez passer un week-end complet à configurer cet engin ; Une fois que vous aurez tranché entre le 90 et le 110, il faudra choisir entre les niveaux finition S, SE, HSE et Defender X. Ensuite, on plonge dans le catalogue d’options fort de 170 propositions. Heureusement, des packs “thématiques” sont proposés : Explorer (façon Bear Grylls), Adventure (plus forêt des Landes que forêt amazonienne), Country (parfait pour une journée boueuse au centre équestre) et Urban (grosses jantes et plastiques brillants façon Khan Design mais en conservant la garantie constructeur…).

On a l’impression de choisir un thème de box cadeau pour le week-end, mais là c’est pour plus longtemps et… c’est pas le même prix ! Land Rover a également développé un film de protection mat qui a la capacité de « cicatriser » des petites rayures. Ce sera en option. Il y a également toute une gamme d’accessoires avec cette échelle déployable, mais aussi des coffres latéraux qui peuvent transporter de l’eau ou un compresseur, des snorkels, des marchepieds escamotables, tout un tas de protections, cette tente de toit, des prises de courant dans l’habitacle, des tapis de sol lavables au jet, de quoi compartimenter le coffre, des habillages… Clic, clic, clic, €, €€, €€€.

Beaucoup regrettaient que le Roi Defender n’ait pas été remis au goût du jour plus tôt. Ce n’est pas que personne chez JLR n’en avait eu envie plus tôt, c’est juste que les priorités étaient ailleurs… Mais, en un sens, et bien que la pression ait été énorme, cela a permis au concepteur de se libérer.

Ce nouveau Defender n’est pas un véhicule luxueux au sens conventionnel. Le luxe ici, c’est l’expérience, la supercapacité, l’indomptabilité face aux éléments. Et le tour de force est d’avoir réussi un mix improbable entre le niveau de gamme qu’on est en droit d’attendre d’un véhicule JLR moderne et la praticité d’un engin qui devra pouvoir aller là où aucune autre auto n’est allée auparavant… à part peut-être son prédécesseur.

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