BMW 128ti (prototype)

Une Série 1 traction de 265 ch qui veut manger de la Golf GTI

Ollie KEW • Niels de GEYER
Publié le : 17 septembre 2020

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BMW nous aurait-il concocté une meilleure Golf GTI que Volkswagen ? Efficace et ludique, cette 128ti, malgré (ou grâce à) sa transmission aux seules roues avant, pourrait même faire de l'ombre à la M135i intégrale. On en reparle en novembre à l'arrivée du modèle de série...

Attendez, la BMW Série 1 n’avait pas déjà une version sportive ?

Si, la M135i. Elle fait 306 ch, dispose de quatre roues motrices, et coûte 54 650 €. C’est la rivale directe des Audi S3, Mercedes-AMG A35 et de la prochaine Golf R.

Et donc, que vient faire cette 128ti là-dedans ?

Il semblerait que les ingénieurs BMW se soient demandé ce que donnerait une M135i avec 40 ch, 80 kg et deux roues motrices en moins. Et qu’ils soient passés au cas pratique.

C’est un risque, clairement. La simple mention d’une transmission aux roues avant continue de donner des boutons aux béhèmistes intégristes, mais ils l’ont fait. Le département marketing a apparemment donné son feu vert à une Série 1 sportive mais plus abordable, prête à aller chasser sur les terres de la Golf GTI et à se poser en alternative huppée aux Ford Focus ST, Renault Mégane RS, Cupra Leon et autre Hyundai i30N.

On serait tenté d’imaginer que ça s’est passé dans l’autre sens : le marketing qui demande une Série 1 un peu épicée mais pas trop chère pour combler une niche de marché, et les ingénieurs qui s’exécutent. Mais l’équipe de développement insiste sur le fait que la 128ti est leur bébé, pas celui d’un cahier des charges bête et méchant. Et ils nous ont invités à venir le vérifier par nous-mêmes en Allemagne au volant d’un « prototype » identique à 95 % au modèle de série.

Visuellement, elle n’a rien de spécial, en tout cas…

C’est vrai, elle ressemble à n’importe quelle Série 1 en finition M Sport. Mais attendez sa présentation officielle dans quelques semaines et vous lui découvrirez un plumage un peu plus… coloré. Le sigle ti, pour turismo internazionale, évoque la fameuse 2002ti et n’avait plus figuré sur un couvercle de malle depuis les Série 3 Compact des années 90, ancêtres de la Série 1.

L’absence de M dans son nom diminuera-t-elle le pouvoir de séduction de la 128ti ? Je ne pense pas. Elle a une allure sportive bien dosée, et ça n’empêchera pas certains fâcheux de continuer à mettre un badge M sur leur 116d, alors…

Des chiffres ?

Rien de bouleversant pour une compacte sportive en 2020. Le quatre cylindres 2 l turbo développe 265 ch et 400 Nm, transmis aux seules roues avant par une boîte automatique à huit rapports et un différentiel Torsen. BMW indique un 0 à 100 km/h en 6,1 s, et 250 km/h en pointe.

Ça se déplace, donc, mais ce n’est pas particulièrement spectaculaire par les temps qui courent. Le prix risque d’être autrement intéressant, quelque part entre les 40 et 45 000 €, soit dans les mêmes eaux que la nouvelle Golf GTI.

Pas de boîte manuelle ? Ce n’est pas censé être la sportive basique de la gamme, pourtant ?

Eh non, pas assez de demande. Apparemment, seuls 8 % des acheteurs de M3 et M4 optent pour la boîte mécanique, et les ancienne M135i et M140i six cylindres se vendait surtout avec des palettes au volant. Comme partout, les boîtes autos font la loi sur les sportives BMW.

Les ingénieurs soutiennent en outre que c’est le meilleur choix possible pour la 128ti grâce à l’étagement plus court permis par les huit rapports, appréciable en sortie d’épingle ou en dépassement, tandis que le huitième rapport surmultiplié permet de contenir les émissions de CO2 à un niveau raisonnable. Et les émissions de CO2, c’est la hantise des compactes sportives, espèce aujourd’hui menacée par un rapport prix/malus écologique particulièrement défavorable.

Donc grosso modo, c’est une M135i dégonflée et amputée de son arbre de transmission arrière ?

Non, c’est plus que ça. Je sais qu’elle lui ressemble beaucoup – et pour l’esthétique, ce n’est pas forcément un compliment…– mais en dessous, elle a eu droit à beaucoup plus d’attention qu’on pourrait le croire.

Impressionnez-moi.

Dites-vous que BMW est parti d’une compacte sportive très rigide et s’est attachée à la rendre moins bien… donc mieux.

En effet, les gars de la mise au point se sont aperçus que sans possibilité de transférer du couple aux roues arrière, la 128ti était plus sujette au sous-virage, même au lever de pied, à cause de la rigidité structurelle de ses dessous de M135i.

Ils ont donc enlevé un peu de renforts pour les remplacer par des éléments plus souples. Résultat : l’ensemble est toujours un poil plus rigide qu’une Série 1 standard, mais désormais plus joueur qu’une M135i. Au passage, ils ont totalement revu la géométrie de la suspension arrière pour tirer le meilleur parti de sa transmissionectomie.

Le différentiel et le système Performance Control (qui agit sur les freins des roues intérieures pour améliorer l’inscription en virage) ont eux aussi été reconfigurés pour rendre la 128ti plus vive, de même que l’assistance de direction pour mieux endiguer les retours de couple dans le volant. Cette dernière trouvaille s’est avérée tellement efficace que BMW en a fait profiter la M135i depuis.

Et en pratique, ça fonctionne ?

Non seulement ça fonctionne, mais la 128ti paraît immédiatement plus précise et plus opiniâtre que la M135i, avec un train avant particulièrement mordant. Elle s’inscrit avec agilité, puis motrice sans coup férir en sortie. Elle est beaucoup plus mobile et rigolote que la très sérieuse M135i, complètement verrouillée. Une fois de plus, la moins chère est la plus amusante.

Elle chante par ailleurs très correctement. Certes, c’est en bonne partie artificiel (les bruits mécaniques sont amplifiés électroniquement via les enceintes), mais on peut saluer cet effort sur la bande-son. Selon BMW, les compactes sportives quatre-cylindres turbo en font souvent trop pour compenser le manque d’exclusivité de leur mécanique (coucou les Golf R et Focus ST). La 128ti se contente d’un grognement agressif mais linéaire, sans crépitements ni flatulences superflus au lever de pied (de toute façon en voie de disparition avec les échappements farcis de filtres par les normes anti-émissions).

La 128ti est dans son élément sur une petite départementale, et ne gâche pas le moindre cheval grâce à son contrôle de motricité intelligent issu (comme sur toutes les Série 1) de celui de la Mini électrique. Celui-ci répond dix fois plus vite à un coup d’accélérateur mal jugé qu’un système à l’ancienne, et on ne sent jamais les freins intervenir sur les roues avant. Résultat : un grip optimal, et des moyennes potentiellement impressionnantes.

Sur circuit, c’est comment ?

Terrifiant. Pas la voiture : le circuit. BMW nous a proposé de faire quelques tours de la piste sur laquelle ils ont développé la 128ti, et j’ai évidemment sauté sur l’occasion. Il se trouve que la piste en question était la boucle nord du Nürburgring. Gloups.

Néanmoins, pour prendre mes marques dans « l’Enfer vert », la 128ti s’est révélée une excellente coéquipière. Les gros freins empruntés à la M135i sont cuits au bout d’un tour, et les pneus crient grâce après le deuxième passage dans Flugplatz, mais si vous étiez un jour amené à emmener votre 128ti en track day, elle devrait s’en sortir honorablement. La réactivité de l’électronique est notamment une bénédiction dans les virages en dévers.

Est-ce que je pourrais vivre avec au quotidien sans la détester ?

Absolument. Déjà, la planche de bord cossue et ergonomique de la Série 1 est infiniment plus agréable à utiliser que l’insupportable interface tactile de la nouvelle Golf. Les sièges allient confort et maintien, la suspension est conciliante. Pas d’amortissement piloté ici, mais ce ne serait pas d’une grande utilité, sans parler du prix et du poids. Un mode Individual permet de régler séparément la réponse de la direction, de l’accélérateur et de la boîte, mais le mode Sport est parfait.

De plus, la nouvelle architecture à moteur transversal de la Série 1 a l’avantage d’offrir plus de place à l’arrière et dans le coffre qu’autrefois. Les ingénieurs prétendent n’avoir jamais pris la Golf 7 comme référence. Et la marmotte…

Less is more, donc ?

À première vue, la 128ti remplit parfaitement son rôle dans la famille Série 1. Elle a plus de caractère que sa grande sœur badgée M, est à peine moins véloce en pratique, et à ce prix – sauf mauvaise surprise – il n y’a rien à l’heure actuelle qui offre un tel cocktail de performances, de polyvalence et d’image. Même si je n’aime toujours pas son look, c’est elle que je choisirais face à une Golf 8 GTI. Ça y est, je l’ai dit. Peut-être que BMW aurait dû s’essayer à la traction plus tôt…

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