Maserati Grecale

Le petit frère du Levante pourra-t-il remettre Maserati d'aplomb ? Premières impressions au volant d'un prototype du nouveau Grecale

Jason Barlow • Niels de Geyer
Publié le : 29 novembre 2021

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On a peut-être trouvé le Porsche Macan italien. Un premier contact positif à tous points de vue, à confirmer sur le modèle de série et les "grosses" versions.

Depuis le temps qu’on en parle, il ne devrait pas être arrivé en concession, ce Maserati Grecale ?

Presque, mais la crise des semi-conducteurs est passée par là. Et dans les coulisses, l’arrivée de Maserati au sein de Stellantis a peut-être conduit à remettre certaines choses à plat… Toujours est-il que les ambitions de ce SUV familial, absolument crucial pour les volumes de la marque, devront encore attendre. On devrait découvrir la version définitive au printemps 2022, la conduire pour l’été, avant les premières livraisons à la fin de l’année. Et comme on n’a pas que ça à faire, on s’est dit qu’un petit tour au volant de ce prototype encore camouflé pourrait déjà nous apprendre des choses.

Un proto ? On est encore loin du modèle de série ?

Disons que c’est un modèle de présérie, la dernière étape avant la production. Presque tous les systèmes sont en version finale sur cette voiture : nous devrions donc pouvoir nous faire une idée assez précise du travail de Maserati. Nous allons rouler sur la piste d’essai de Balocco, entre Milan et Turin, en compagnie de Giovanni Bussalai, ingénieur en électronique châssis. Plus de 250 protos ont déjà été construits, dont certains partiront pour une sessions d’essais au-delà du cercle polaire cet hiver. Bussalai souligne que son équipe fait autorité dans le groupe pour cette partie du développement. L’électronique est désormais le nerf de la guerre dans l’automobile, et les schémas adoptés sur le Grecale sont appelés à servir de référence à tous les autres SUV Stellantis. À part ça, aucune pression…

Et pour le hardware ?

Le Grecale a pour vocation de démocratiser le blason Maserati sans renoncer au charisme qui a toujours permis aux production du Trident de sortir du lot. Face à des rivaux aussi redoutables que le Porsche Macan, le BMW X3/X4, le Mercedes GLC ou le Jaguar F-Pace, Maserati n’hésite pas à promettre que son petit dernier sera le nouveau mètre-étalon de la catégorie aussi bien pour l’habitabilité que pour l’agrément de conduite, le comportement, les accélérations, la sonorité ou encore le raffinement des matériaux. Vaste programme… Une chose est sûr, il est imposant : 4,80 m de long et 1,67 m de haut, sur un empattement de presque 3 m de long, on s’approche du segment supérieur. L’espace à l’arrière est conséquent. C’est le Levante (5,01 m de long) qui risque de se poser des questions existentielles…

Sauf que les ultrariches continueront de jouer à qui a la plus grosse. Mais pour le reste d’entre nous, le Maserati Grecale peut-il vraiment changer la donne ?

Il ne fait aucun doute que la mission du Grecale est de repositionner une marque prestigieuse mais un peu… exotique plus fermement en face de blasons premium plus grand public. Porsche vend maintenant plus de 300 000 voitures par an, dont une majorité de SUV, sans que son image en ait souffert. Un magistral tour de passe-passe que Maserati aimerait bien reproduire. Le Grecale fait bonne impression dès que l’on prend place à bord, avec des poignées affleurantes qui jaillissent électriquement comme sur la supercar MC20, ou encore un bouton tactile à la place d’une poignée physique à l’intérieur. C’est bon pour l’aéro et le poids, assure Maserati. Les sièges sont meilleurs que la moyenne, et la position de conduite est agréablement basse pour un SUV.

La planche de bord a dû être bâchée pour les photos mais nous avons tout de même pu jeter un œil là-dessous. Au menu, un écran tactile central 12,3 pouces similaire à celui de la MC20 – c’est bon signe – et un autre de 8,8 pouces en contrebas pour commander notamment la clim et les sièges chauffants. La traditionnelle horloge Maserati trône toujours au milieu mais elle est maintenant 100 % numérique, eh oui. L’avantage, c’est qu’on peut lui faire afficher non seulement l’heure mais aussi des données aussi indispensables que la force centrifuge et la pression sur l’accélérateur ou les freins.

L’instrumentation numérique peut bien sûr elle aussi être configurée de multiples façons. Le large volant à trois branches est bardé de boutons, avec un petit sélecteur de mode en bas à droite. Ce qui est sûr, c’est qu’on n’a pas l’impression d’être au volant d’un SUV obèse qui singe une voiture de sport. On le « porte » presque, comme un costume de bonne coupe ; on n’a pas l’impression d’enfiler une tenue de randonnée flashy et rembourrée comme lorsqu’on monte dans beaucoup de SUV.

C’est bon à savoir. Dynamiquement, tient-il ses promesses ?

Cette partie du complexe de Balocco est une boucle de 7 km qui simule votre petite départementale préférée. Y compris la partie que le conseil général refuse obstinément de resurfacer… Vous serez heureux d’apprendre que le Maserati Grecale fait partie de ces voitures qui passent haut la main le test des 50 m. Ce qui frappe lors des premiers tours de roues n’est pas sa sportivité, bien au contraire. Ce serait plutôt l’excellence de l’amortissement malgré les roues de 20 pouces (en sachant que notre voiture est dotée de la suspension pneumatique optionnelle). Le Grecale se montre extrêmement feutré à vitesse normale, et la direction est particulièrement linéaire à défaut de déborder de ressenti. Mais qui achète une auto de ce genre – même badgée Maserati – en espérant l’outil ultime ?

Tout de même, c’est une Maserati. C’est un peu ça l’idée, non ?

Pas tout à fait. D’abord, c’est un SUV, donc autant l’assumer. Ensuite, Maserati est synonyme de raffinement autant que de sport. Et ça n’empêche pas le Grecale d’être extrêmement adroit. On n’en attendait pas moins d’une auto basée sur la plate-forme Giorgio des Alfa Romeo Giulia et Stelvio. On retrouve un compromis subtil entre confort et agilité, avec un poil plus de roulis qu’ailleurs, mais pour la bonne cause. Bussalai et ses acolytes sont encore en train de peaufiner la gestion électronique du châssis, autour de quatre modes : Comfort, GT, Sport et off-road.

Néanmoins, le Grecale est déjà beaucoup plus amusant à conduire que nécessaire. On sent un réjouissant typage propulsion en naviguant entre les différents modes. Le différentiel ouvert peut être remplacé en option par un autobloquant, avec une variante pilotée en développement. On ne serait pas contre un peu plus de feeling au freinage, mais globalement cette voiture apparaît déjà très aboutie malgré tous les compromis nécessaires avec un tel gabarit et une telle polyvalence au cahier des charges. Elle dégage même un vrai caractère. RAS du côté de la boîte automatique ZF8 que vous pourrez actionner via d’énormes palettes au volant si l’envie vous en prend. Et l’envie vous en prendra, ce qui est toujours très bon signe.

Quid du moteur ?

Le Grecale le plus performant (Trofeo ?) aura droit à une version dégonflée du V6 3.0 biturbo Nettuno, impressionnant sur la MC20. Il y aura aussi une version 100 % électrique Folgore, probablement tout aussi véloce mais dans un tout autre registre… Pour l’instant, notre prise en main a lieu avec un 2.0 turbo à hybridation légère de 300 ch pour 450 Nm, qui émet déjà une note d’échappement sympathique même à l’arrêt. Un alterno-démarreur charge la batterie sous le plancher de coffre ainsi qu’un compresseur électrique qui vient combler le creux du turbo. On n’aurait pas pensé dire ça il y a quelques années, mais ce quatre-cylindres est parfaitement à sa place sous le capot du Grecale. Un moteur plaisant, expressif et suffisamment vigoureux pour taquiner un peu le châssis.

Une première rencontre prometteuse, donc.

On peut dire ça. Maserati a souvent eu les yeux plus gros que le ventre, et du mal à mener à bien ses plans de conquête du monde. Le salut pourrait bien venir de ce SUV de segment D, n’en déplaise aux puristes. On ne connaît toutefois pas encore ses tarifs ni son bilan environnemental. Bien sûr, on attend avec un peu plus d’impatience la future GranTurismo, mais c’est bien le Grecale qui paiera les factures.

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