BlackJag ? Jamais entendu parler…

Cette supercar à l’allure baroque a été présentée au salon de Genève 2004, un grand cru puisque les Fiat Multipla, Mercedes CLS et Seat Altea y ont également fait leur première apparition. C’est un concept car badgé Jaguar, sauf que Jaguar n’y est pour rien. C’est peut-être pour ça que la BlackJag ne vous dit rien.

Qui est le coupable, alors ?

Le crime n’a été revendiqué par aucune des grandes officines habituelles. Cette voiture se voulait la vitrine d’un nouveau bureau de design, Fuore, basé à Barcelone et fondé par l’expérimenté Erwin Himmel.

Himmel, Himmel… J’ai déjà vu passer ce nom quelque part.

Ce designer autrichien s’est fait connaître chez Audi dans les années 1980 et 1990. Les Audi 80 et 100 ? C’est lui. Le magnifique concept Quattro Spyder ? Encore lui. En 1994, le groupe Volkswagen lui confie la direction de son nouveau centre de design européen, où il supervise notamment le dessin des premières S3 et RS3, ou des Volkswagen Touran et Touareg. Pas exactement un perdreau de l’année, donc.

Ah. Mais pour cette BlackJag, quel était le projet ?

On ne sait pas trop… Le communiqué de presse de l’époque évoquait « une étude de style époustouflante » qui mêlait « l’esprit de la Formule 1 avec les valeurs traditionnelles de la marque. » Quand on sait à quel point Jaguar galérait alors en F1 depuis trois ans, ça a pu passer pour de l’insolence. L’écurie allait d’ailleurs jeter l’éponge quelques mois plus tard pour être rachetée par une petite marque de boissons gazeuses appelée « Red Bull », vous en avez peut-être entendu parler. In fine, cette BlackJag, qui était un léger remix du concept Jaguar XF10 présenté par Fuore l’année précédente, ressemblait à un melting-pot pas forcément digeste d’Audi R8, de Pontiac Solstice, de Bugatti Veyron et de Lotus Europa.

Qu’est-ce que Fuore a dessiné d’autre ?

Désolé de vous avoir fait sursauter avec cette photo, mais l’air de famille est flagrant, non ? Le seul partenariat notable de Fuore Design, avant que Himmel abandonne le le navire en 2007, a été noué avec Subaru, et ce B9 Tribeca en fut le point d’orgue. Admirez cette finesse et cette élégance intemporelle.

C’était plus inspiré à bord ?

On peut dire ça, même s’il faut aimer le rouge. L’ambiance y est sportive à souhait grâce aux magnifiques baquets et à une bonne dose d’alu un peu partout, notamment sur un étrange volant carré à trois branches. Un détail sur lequel Fuore peut se targuer d’avoir fait école, c’est le sélecteur de boîte rotatif, qui sera repris sur la Jaguar XF en 2008 puis sur toute la gamme. Très joli, à défaut d’être ergonomique.

Et sous le capot, il y avait quelque chose d’intéressant ?

Selon Fuore, un mystérieux V10 7.0 de 650 ch, capable de catapulter les 1350 kg de la BlackJag de 0 à 100 km/h en 3,8 s et jusqu’à 340 km/h. De quoi tutoyer, en théorie, la crème des supercars de l’époque.

Pourquoi la BlackJag n’a-t-elle pas été produite ?

Ce n’est qu’une hypothèse, mais ça a peut-être quelque chose à voir avec le fait que ce n’était pas du tout une Jaguar, qu’elle était loin d’être gracieuse, et que Fuore estimait son tarif à plus de deux millions d’euros. La XK de 2006 était moins ambitieuse, mais avouez qu’elle a mieux vieilli. Et en matière de supercars Jaguar mort-nées, on préfère réserver nos regrets à la fabuleuse C-X75.