BMW M3 Touring vs Porsche Macan GTS

Attaquons directement par une question philosophique déterminante : la montée en puissance des SUV sportifs a-t-elle rendu définitivement obsolètes les breaks de sport ?

Il fut un temps où BMW défendait cette thèse sans sourciller. Au lancement des X3 et X4 M en 2019, par exemple, la marque répétait à qui voulait l’entendre qu’elle n’avait aucune M3 Touring dans les cartons. Parce que les clients prêts à mettre une telle somme pour s’offrir une grosse cavalerie et un vrai coffre, ils veulent des SUV, ma bonne dame. C’est pour ça que pendant des années, le catalogue a compté des versions M des X3, X4, X5 et X6, mais plus aucun break badgé M, déjà une denrée rare avant la SUV-mania.

Apparemment, quelqu’un a eu des regrets au conseil d’administration. La M3 Touring est là, et elle est superbe. C’est même à notre avis de loin la plus désirable de toutes les M3 et M4. Plus que la CSL ? Oui. En tout cas pour les gens qui préfèrent conduire leur voiture plutôt que l’enfermer dans un box à double tour et regarder sa cote grimper.

Photos : Mark Riccioni

 

Impossible pour autant d’ignorer que les SUV, en particuliers ceux qui sont sportifs et allemands, sont des poules aux œufs d’or pour les constructeurs. Porsche vend ainsi plus de Macan que de Boxster, de Cayman et de 911 réunis. Si l’on y ajoute le Cayenne, on est bien obligé d’admettre que les SUV sont devenus absolument incontournables pour n’importe quelle marque de « voitures de sport ».

Reste que le Macan n’est plus tout jeune. Il a subi plus de liftings que Mickey Rourke, et l’ostéoporose menace. Rappelons qu’il reprend les dessous de l’Audi Q5, premier du nom, lancé en 2008. On parle donc d’une plate-forme (la MLB) de plus de quinze ans… Même si le SUV Porsche a eu droit récemment à une nouvelle console centrale façon Panamera, il va quant à lui fêter ses dix ans. Son remplaçant 100 % électrique doit arriver en 2024.

La toute jeune BMW profite logiquement d’un intérieur plus à la page… pour le meilleur et pour le pire. Car si les formes sont plus contemporaines et les écrans mieux définis, la Porsche, elle, offre des BOUTONS pour commander la clim, et n’oblige pas à se perdre dans les menus pour changer les réglages de la suspension ou de la cartographie moteur-boîte. Le progrès est une notion très subjective.

On est plus à l’étroit dans le Macan que dans la M3. On s’y cogne les coudes et les genoux plus souvent. Ses sièges moelleux à souhait ne dépareraient pas dans une maison de retraite, tout le contraire des baquets à coque carbone de la M3 dont le maintien confine au sadisme. Aux places arrière, aucune ne se démarque vraiment. Ce que la Porsche rend à la BMW en longueur aux jambes, elle le reprend en accessibilité grâce à la hauteur de ses portières.

Je ne vais pas m’attarder sur le fait que le break ait le plus grand coffre, car les adeptes des SUV me rétorqueront que là encore, la hauteur du hayon facilite le (dé)chargement. il est vrai qu’au moins, on n’a pas besoin de se courber pour éviter de se cogner la tête en récupérant les packs d’Evian. Mais ça fait plus haut à sauter pour le chien. Et BMW a très intelligemment aménagé le coffre de sa M3 (comme celui des autres Série 3 break), avec des points d’ancrage, des tirettes pour rabattre la banquette depuis le seuil et un généreux double fond. Sans oublier une lunette arrière ouvrable indépendamment (mais pourquoi est-ce que tout le monde ne fait pas ça ?).

Au quotidien, les deux voitures ont donc leurs arguments. Mais quand il s’agit d’être égoïste et de laisser parler la sportive, il n’y a plus match. La pauvre vieille Porsche ne voit pas le jour.

Il s’agit de la version la plus chère et la plus performante de du Macan : le GTS. Lors de la dernière injection de botox en date, Porsche a poussé un peu le V6 2,9 l du GTS tout en évinçant discrètement le Macan Turbo du catalogue. Le GTS a beau être donc désormais le Macan suprême, sa fiche technique fait pâle figure face à la BMW. Son V6 est moins vigoureux que le L6 3.0 biturbo de la bavaroise : 440 ch et 550 Nm, contre 510 ch et 650 Nm.

En les conduisant l’une après l’autre, on jurerait que l’écart est encore plus important. Le moteur de la BMW est délicieusement réactif, et monte dans les tours sans rechigner. À côté, le V6 Audi rebadgé Porsche manque cruellement de souffle et d’entrain. Il est vorace, sonne nasillard, et on sent qu’il ne chôme pas pour remuer les 1 960 kg du Macan. La BMW est non seulement 70 ch plus puissante mais aussi un quintal plus légère, et le fait sentir chaque seconde. Quand la Porsche ahane et que sa boîte hésite, la BMW répond au micropoil, vigoureusement et sans effort.

Il est vrai que les moteurs n’ont jamais été lé point fort du Macan. Peut-être parce qu’ils arrivent à l’usine de Leipzig dans une caisse avec un logo Audi… Porsche a fait de son mieux pour affûter ce bloc, mais le résultat n’est pas à la hauteur du blason.

De surcroît, il n’y a pas de vrai mode manuel. La boîte revient toujours en automatique à un moment ou un autre. Au démarrage, la note d’échappement est prometteuse, mais elle laisse place à un ronronnement de V6 générique. La M3 n’est pas particulièrement musicale, mais sa bande-son est plus agressive et plus charismatique.

Le vrai gouffre est dynamique : au premier virage de la première petite route un tant soit peu exigeante, la messe est dite. Même Porsche ne peut pas lutter contre la physique. C’est un massacre en bonne et due forme. On est assis plus haut dans le Macan, donc la tête bouge plus. La caisse est moins bien tenue que dans la M4, non seulement plus basse mais très fermement suspendue. Ça devient vite fatigant. La direction est perturbée par les bosses. Et la différence en distance de freinage est édifiante, même s’il est vrai que notre M3 profite de disques carbone-céramique à 8 850 €.

L’idée de ce match n’était pas de faire du Macan une tête de Turc. On parle du meilleur SUV sportif de sa catégorie, qui tient la dragée haute depuis dix ans aux Mercedes GLC, BMW X3, Jaguar F-Pace ou Alfa Romeo Stelvio. Il a loyalement servi Porsche, amené des milliers de nouveaux clients dans le giron de la marque et si j’avais une voiture de ce segment à acheter, c’est sûrement lui que je choisirais (dans une version plus accessible). Pas mal pour un Audi Q5 qui a fait sport-études au Nürburgring.

Même s’il est hors de prix, le Macan GTS est aussi sensiblement moins cher que la M3 : à 98 626 € avant options, il attaque 20 000 € plus bas que la M3 Touring.

Le problème, c’est que sur la route, le break bavarois lui donne une véritable leçon, et expose sans aucune pitié tous les compromis qui passent inaperçus quand on reste entre SUV. En sa compagnie, le Macan ne semble jamais être plus qu’une brave familiale haute sur pattes qui fait son possible pour être amusante. La M3 Touring, c’est le contraire : une voiture de sport qui peut à l’occasion transporter une tondeuse. Puis les sacs d’herbe à la décharge avant qu’il se mette à pleuvoir.

C’est tout ce qu’on voulait savoir : un break sportif a-t-il encore sa place dans le monde merveilleux des SUV ? Oui. Mille fois oui.