Porsche 911 GT3 RS vs Cayman GT4 RS

Duel au sommet entre les deux terreurs de la famille sur la piste d'essai Top Gear.

Ollie MARRIAGE • Niels de GEYER
Publié le : 22 décembre 2022

La GT3 RS est une voiture… entière. Éprouvante physiquement, elle consomme toute votre bande passante. N’espérez pas la conduire à la légère. Roulez des épaules, faites craquer vos doigts et vos cervicales, échauffez-vous comme vous voulez, vous en ressortirez toujours lessivé.

Il n’y a rien de vraiment comparable sur le marché. Les gens citent souvent la McLaren Senna, mais même elle n’est pas aussi physique à jeter dans une courbe rapide. Les supercars modernes manquent de conviction. Je radote, mais elles privilégient la vitesse et les compétences à l’engagement. Merci à Porsche d’enfin me contredire : la GT3 RS est non seulement extrêmement véloce, mais surtout hargneuse comme aucune autre voiture de série. Elle veut juste attaquer, attaquer, attaquer. C’est tout ce qu’elle sait faire. J’ose à peine imaginer ce que ça donnerait sur la route. Du brutal, assurément.

Je n’ai plus assez de neurones en stock pour y penser à l’instant t, parce que les pneus sont à point à 70°C, les disques carbone-céramique luisent et l’air tremble sur le passage de la GT3 RS. En pleine furie, elle laboure le tarmac jusqu’à plus soif. Moi, je commence à être un peu sonné. Elle est  déchaînée. Elle est ultra-raide, elle se démène, elle fulmine, elle se bagarre. Elle m’invective. Elle me nargue. « Donnez-moi un vrai pilote ! », semble-t-elle hurler. « Un qui ne se fasse pas dessus dans le pif-paf ! » Où est le Stig quand on a besoin de lui, je vous le demande.

J’ai beau chercher dans mon catalogue de souvenirs, je ne vois rien qui porte des plaques et qui singe aussi bien une voiture de course. Elle a d’ailleurs les mêmes manières. Par exemple, être provoquée quand ses pneus et ses freins sont froids, ça la met de très mauvais poil. Même là, il faut y aller sur des œufs pour se frayer un chemin entre les innombrables bosses de la piste de Dunsfold.

Je ne l’ai pas chronométrée (c’est le boulot du Stig) mais je suis passé dans le gauche de Follow Through à 180 km/h. Quand j’ai essayé de faire pareil avec le Cayman GT4 RS, je me suis fait une grosse frayeur à 150, qui m’a calmé immédiatement. 30 km/h plus vite, la GT3 RS me demandait encore « C’est tout ce que t’as ? ». Complètement folle, cette voiture, je vous dis.

C’est d’ailleurs ce moment précis qui résume la différence entre les deux : plus de 400 kg d’appui à 200 km/h, grâce à un énorme aileron qui a dû donner du fil à retordre à l’homologation. Et qui rend d’autant plus mignonne la planchette qui surmonte le hayon du GT4 RS. Au début, on se moquait du kit aéro de la GT3 RS. Maintenant, on sait.

Je n’ai pas encore beaucoup parlé des moteurs et des perfs. La GT3 RS encaisse tout ce que le flat 6 4 l atmo est en mesure d’offrir, partout où vous ouvrez les vannes. Vous avez directement la main sur les réglages du différentiel et de l’amortissement pour mieux dompter le tout. Grâce à cela, il n’y a pas que les vitesses de passage en courbe de la GT3 RS qui font la différence, le grip en sortie de virage est lui aussi bien supérieur à celui du GT4 RS.

Le Cayman reçoit le même moteur mais avec 25 ch (et 35 kg) de moins. En ligne droite, c’est du pareil au même, et la bande-son n’a rien à envier à celle de sa grande sœur. Ces prises d’air en carbone à la place des vitres de custode sont de vrais trous noirs, qui engouffrent des litres d’air jusque vers les tréfonds du flat 6 dans un feulement dantesque. C’est un crescendo sauvage jusqu’à 9 000 tr/min, et l’on égrène les rapports sans jamais vouloir lever le pied. Ce que la GT3 RS fait ressentir, le GT4 RS le fait entendre.

Conduire le GT4 RS s’avère toutefois une expérience sensiblement plus reposante que la GT3 RS. Je n’ai jamais eu cette impression lorsqu’il était en compagnie d’une Ferrari 296 et d’une McLaren Elva lors de notre Speed Week. Là, il m’avait paru affûté comme une lame. Aujourd’hui, je le trouverais presque souple. Je n’ai absolument rien contre la souplesse lorsqu’elle est aussi bien contrôlée, et quand l’équilibre au freinage et à l’inscription est aussi naturel. Le GT4 RS déborde de ressenti, l’équilibre de son architecture à moteur central est plus instinctif.

Outre du courage, la GT3 RS nécessite un peu de bouteille pour tirer le meilleur de son moteur en porte-à-faux. Cela a toujours été le cas sur les 911 mais ici, la précision et la réactivité stratosphériques exigent d’autant plus de délicatesse. Sur un circuit bien lisse, ce sera un monstre, mais sur autre chose qu’un billard, il faut les tripes, la volonté, les compétences et la jugeote qui vont avec.

Et ces freins ! Parmi toutes les voitures qui nous sont passées entre les mains, seules deux freinaient plus court : une autre Porsche, la légendaire 918 Spyder, et la McLaren 720S. La GT3 RS fait mieux que tout le reste, ce qui inclut une McLaren P1 ou une Ferrari SF90.

Un mot sur le prix. Pour l’expérience qu’elles procurent et leur talent hors norme, ces deux voitures seraient incontournables à n’importe quel prix. Elles sont toutes deux grisantes à conduire. L’une repousse les limites de la radicalité sur circuit, l’autre celles de l’engagement sur route. Vous savez laquelle est laquelle. Comptez 235 000 € pour la GT3 RS, disons 300 000 (avant malus, soupir) avec tout l’arsenal circuit qui va bien et les options incontournables. À 147 400 € hors options et malus, le GT4 RS paraîtrait presque raisonnable à côté, d’autant que lui n’a pas besoin d’un arceau-cage ou de roues en magnésium. Face à n’importe quelle hypercar, c’est lui que je prendrais. Et face à la GT3 RS aussi…

 

Top Gear
Newsletter

Recevez les dernières news, tops et exclusivités sur votre adresse e-mail.